La première émission de chlore par vague gazeuse du 22 avril 1915, malgré des résultats locaux, fut un échec, dans le sens où elle ne permit pas la rupture du front. Faute de moyens importants, restreinte à un simple essai probatoire, elle fut réduite à une offensive de faible envergure dont les résultats ne purent être exploités. La surprise passée, les Alliés s'étaient munis d'appareils protecteurs rudimentaires mais suffisamment performant pour réduire le potentiel des premières vagues gazeuses. Le potentiel de rupture des vagues gazeuses, à peine expérimenté, semblait définitivement perdu.
Pour rendre son efficacité aux opérations chimiques, les chercheurs allemands décidèrent d'exploiter les propriétés de substances dont l’usage avait été programmé depuis l'automne 1914. Parallèlement aux recherches menées sur les vagues gazeuses dérivantes, les scientifiques allemands poursuivaient des études sur le premier mode de dissémination envisagé et utilisé, les projectiles d'artillerie. Cette forme d’utilisation avait l’avantage d’être beaucoup plus souple et permettrait d’utiliser de nombreuses substances toxiques dont la nature chimique était incompatible à une utilisation sous forme de vague gazeuse.
La quantité de substance toxique susceptible d’être dispersée à l’aide de projectiles était bien plus faible que celle utilisée dans la technique des vagues gazeuses. Les chercheurs d’outre-Rhin s’étaient ainsi penché, dès le début du programme chimique allemand en 1914, sur des produits donnant des résultats à des concentrations plus faibles.
Pour obtenir un effet satisfaisant, il fallait utiliser des substances qui permettraient de retrouver l’avantage tactique que possédaient les allemands avant le 22 avril, c’est à dire des substances que les premiers masques distribués n’arrêteraient pas. Cela était d’autant plus facile, que les troupes alliées ne possédaient pas encore de protection efficace, ni des voies respiratoires, ni des yeux. Les produits choisis au début des recherches, en comparaison au chlore utilisé à Ypres, étaient plus toxiques et il était bien plus difficile de s’en prémunir à l'aide d'appareils protecteurs de fortune. Nous ignorons si ce choix fut orienté en fonction des capacités probables de réalisation d’appareils protecteur des alliés ; chacun des agressifs chimiques utilisés et chargés en projectiles perçait les masques primitifs. L’élaboration d’un procédé de neutralisation efficace contre ces substances demanda un effort important aux services chimiques alliés.
Les artilleurs allemands utilisèrent, comme nous l’avons déjà évoqué, des obus T chargés en bromure de xylyle et des obus chargés en bromacétone sur le front de l’Ouest dès mars 1915 dans le secteur de Nieuport. Ces tirs, probablement peu conséquents, ne motivèrent pas de réaction des français qui semblent ne pas s'être aperçu de l'introduction de ces munitions toxiques. Ceux effectués lors des attaques par vagues gazeuses furent certainement plus important et décrits par de nombreux observateurs. La création d’un organisme français, en charge d’étudier les moyens utilisés par l’ennemi lors de ses opérations chimiques, permit par la suite de déterminer très précisément les toxiques mis en œuvre les Allemands, mais seulement quelques mois plus tard.
De nouvelles substances agressives furent ainsi introduites en quelques mois. Selon les observations des services chimiques français, le brome fut le premier de la série, chargé en grenades et en projectiles de Minenwerfer auxilliaires. Il était très facilement et rapidement disponible en Allemagne ; le type de projectile rudimentaire utilisé laisse à supposer qu’il s’agissait d’un chargement de circonstance réalisé en toute hâte. Le liquide répandait des vapeurs rouges-brunes, très lourdes (deux fois plus denses que le chlore et qui avaient l’avantage de stagner dans les dépression du terrain), fortement irritantes pour les yeux et les voies respiratoires et possédait les mêmes propriétés suffocantes que le chlore. Toutefois, si le chlore ne devenait lacrymogène qu’à de fortes concentrations, le brome possédait une action très irritante pour les yeux et le nez à des teneurs très faibles. Il était retenu par les compresses à l’hyposulfite (les premiers masques rudimentaires), mais irritait très fortement les yeux non protégés.
Le chlore et le brome, deux composés de la famille des halogènes, qui comptaient parmi les premières substances utilisées comme agressif chimique, possédaient des propriétés lacrymogènes et suffocantes qui pouvaient être considérablement augmentées, en les ajoutant à quelques molécules organiques. Ainsi, d’autres substances dérivées de ces premières, comme l’éther bromacétique (B Stoff) (également chargée dans les grenades suffocantes françaises) et surtout un mélange d’anhydride sulfurique et de chlorhydrine sulfurique (C Stoff), furent rapidement utilisés. Ce dernier produisait des fumées opaques, légèrement suffocantes. En contact avec la peau, il provoquait des brûlures graves et douloureuses. Il irritait très fortement les yeux dès 5mg/m3. Sa toxicité n’était pas négligeable en milieu clos où une concentration de 3000mg/m3 était mortelle en une minute.
Jusqu’alors, ces substances n’étaient utilisées qu’en accompagnement des vagues de chlore, pour renforcer leur action à certains points du front, ou de façon sporadique, lors d’attaques d’infanterie, dans des actions isolées, au mieux des circonstances et surtout lorsque l’occasion était favorable.
A la fin du mois de juin, les Allemands développèrent des attaques chimiques d’envergure, en n’utilisant que des projectiles pour répandre leurs toxiques, mais en quantité importante.
La première attaques répertoriée de ce genre eu lieu le 20 juin 1915, dans le bois de la Grurie, lors de l’offensive générale allemande en Argonne, qui débutait le même jour. 20 000 à 25 000 obus chimiques de 150 mm tombèrent sur 1800 mètres de largeur et 150 mètres de profondeur, entre la première et la deuxième ligne française (le centre de l'attaque coïncidait avec le point d'intersection des deux routes de Vienne-le-Chateau à Binarville et de Servon à Varennes) . La quantité de projectile utilisée permit de répandre entre 60 et 90 tonnes de toxiques, sur un front de moins de 2 kilomètre. A l’éclatement, apparut une fumée blanche qui agressa les hommes qui l’inhalèrent. Ceux-ci appliquèrent immédiatement leur compresse, mais elle ne leur apporta aucune protection et la zone infestée devint intenable ; elle le restera pendant plusieurs jours.
Cette attaque inaugurait l’utilisation en masse d’une nouvelle substance agressive, dispersée par obus T, le bromure de benzyle (T stoff). Ce produit était fortement lacrymogène et également légèrement toxique. En comparaison au bromure de xylyle, dont il était chimiquement très proche et utilisé dès janvier 1915, le bromure de benzyle présentait un volatilité plus importante qui permettait son utilisation même par temps froid ; son efficacité lacrymogène était cependant inférieure. Sa faible volatilité rendait son évaporation très lente et assurait la persistance de ses effets pendant de nombreuses heures. Les vapeurs étaient très denses et s’accumulaient dans les bas fonds. Mais surtout, elles perçaient la protection des compresses neutralisantes alors utilisées.
Kling se rend sur place 3 jours après, mais le séjour est encore presque impossible dans ce secteur. Les substances employées en obus étaient un mélange de bromure de benzyle et de xylyle. Du brome fut également employé, contenu dans des flacons envoyés par bombes de minenwerfer. Ces différentes substances constituaient des produits suffocants dangereux, et très irritants pour la muqueuse oculaire. Leurs effets étaient particulièrement redoutés de la troupe, puisqu’il n’existait alors aucun moyen de protection efficace, et le séjour en atmosphère viciée était particulièrement pénible. Kling ajouta qu’il ne pouvait déterminer si les lunettes de protection étaient réellement inefficaces ou si l’irritation oculaire résultait d’un effet des gaz obtenu via la respiration.
L'opération permit un certain succès, permettant, avec une grande facilité, le gain d'une bande de terrain de 500 mètres sur 300. L'effet moral produit fut extrêmement sérieux. Quelques décès furent à déplorer et les 2400 survivants furent capturés par les troupes allemandes.
Rapport d'André KLING : "Enquête relative aux obus dits asphyxiants employés par les allemands, en particulier dans la région de Sainte Ménéhould, le 20 juin dernier".
Les Allemands multiplièrent rapidement leurs attaques par obus lacrymogènes sur tout le front, en obtenant de nombreux succès locaux. Le 30 juin 1915, l’offensive allemande en Argonne s’étendait. Les troupes du Kaiser tentèrent une nouvelle percée à l’aide d’obus toxiques. De nombreuses positions françaises devinrent rapidement intenables, noyées sous d’épaisses nappes de gaz. Le lendemain, 1er juillet, le village de la Harazée était « saturé de gaz », obligeant les troupes françaises à céder du terrain. L’offensive se calma jusqu’au 13 juillet, jour durant lequel de nouvelles attaques par munitions chimiques se développèrent, notamment au bois de la Chalade. Le lendemain, sans aucune préparation et déjà désorganisées par l’attaque de la veille, les troupes françaises s’élançaient à la reconquête du terrain perdu ; elles furent balayées sur place par la résistance ennemie. Le 16, suite à une nouvelle attaque par munitions chimiques, notamment avec l'utilisation d'obus à palite, les Allemands capturèrent un grand nombre de soldats français, alors sans protection efficace contre les puissantes substances lacrymogènes. Malgré ce succès local, les Allemands ne parvinrent pas à percer le front et l’introduction de ces nouvelles substances toxiques fut un nouvel échec en ce sens.
C’est également à la fin du mois de juin que les Allemands utilisèrent pour la première fois la substance qui resta la plus dangereuse de toutes celles utilisées pendant l’année 1915. Ce nouveau produit, extrêmement toxique était le chloroformiate de méthyle chloré (K Stoff), envoyé dans des obus de 170 mm, le 18 juin 1915 à Neuville-Saint-Vaast. Kling récupéra un échantillon, l’analysa et l’appella palite, puisqu’il l’avait identifié au laboratoire municipal de la ville de Paris.
C’était un dérivé du phosgène qui constituait un lacrymogène énergique et qui possédait des effets suffocants puissants. On considérait que sa toxicité était environ dix fois supérieure à celle du chlore (voir: Etudes). Au contact de l’air, elle fumait légèrement et s’évaporait assez rapidement en produisant des vapeurs suffocantes. Cependant, elle avait l’avantage d’être beaucoup moins volatile que le phosgène, et par conséquent, de produire des effets plus prolongés sur le terrain. Sa densité de vapeur était également plus importante et ces deux avantages combinés permettaient d’obtenir des concentrations bien plus importantes sur le terrain . Le produit utilisé par les Allemands n’était pas le chloroformiate de méthyle chloré pur, mais un mélange de celui-ci avec des dérivés plus chlorés qui accroissaient les propriétés lacrymogènes. Les lésions déterminées par la palite sur les poumons, apparaissaient soit immédiatement, soit au contraire assez tardivement, mais, dans un cas comme dans l’autre, étaient en général très grave. Les effets physiologiques de la palite sur les voies respiratoires étaient ceux du phosgène et les doses incapacitantes et létales étaient pratiquement les mêmes. L’action irritante sur les yeux et les voies respiratoires supérieure était par contre bien plus importante.
Kling mit en garde la Commission de protection, car ce toxique, le plus actif de ceux alors utilisés, n’était pas retenu par les appareils de protection imbibés d’hyposulfite. L’introduction de la palite chargée en obus, marquait une nette progression dans l’utilisation des substances agressives. Ce toxique possédait des propriétés suffocantes importantes, qui donnait, pour la première fois, un pouvoir létal aux munitions chimiques. Cette dangerosité des vapeurs de palite était finalement diminuée par leurs propriétés lacrymogènes. En effet, il était impossible de rester dans une atmosphère chargée en palite, sans que l’irritation oculaire qu’elle provoquait ne pousse à se soustraire au plus vite de la zone contaminée. Un homme soumis à ses vapeurs ne pouvait l’ignorer, et à moins que la zone battue et infectée soit très importante ou que la concentration soit très élevée, il était amené à chercher un endroit où respirer un air sain et à éviter d’absorber une dose mortelle.
Cela n’empêcha pas l’Allemagne de poursuivre avec l’utilisation de nouveaux toxiques.
Dès la fin de juillet, apparaissait la bromacétone (B Stoff). Ce liquide rouge-brun produisait des vapeurs particulièrement irritantes pour les yeux et possédait également des effets suffocants, qui pouvaient se révéler mortels, si la durée d’exposition était prolongée. Les Allemands augmenteront encore ses propriétés agressives, en enrichissant leur bromacétone de dérivés dibromés, plus puissants et plus persistants. Les effets lacrymogènes et suffocants devaient même se révéler plus importants que la palite.
Puis, au mois d’août, ce fut la bromométhyléthylcetone (Bn Stoff) qui apparaissait. Son action est encore plus forte que la bromacétone et, comme cette dernière, elle traversait les appareils de protection alors utilisés.
Parallèlement à la diversification des substances agressives, les Allemands développèrent de nouveaux moyens de dispersion par projectiles, en concevant des munitions mieux adaptées pour ce rôle. Le but était de disposer d’un éventail de toxiques chargés en obus, adapté a chaque type d’objectif. Par exemple, les substances aux effets persistants (principalement T Stoff) furent utilisées pour interdire à l’ennemi certains points névralgiques : Postes de Commandement, carrefours stratégiques, nids de mitrailleuses, batteries… Cette technique demandait alors un tir initial soutenu, suivi par un tir d’entretien régulier, de telle sorte que les apports de substances agressives soient supérieures aux pertes dans l’atmosphère.
A l’inverse, les substances qui se diluaient rapidement et dont l’effet est fugace (K Stoff), furent utilisées contre des positions d’où ils souhaitaient chasser rapidement l’ennemi, mais qu’ils avaient l’intention d’utiliser rapidement.
La conception des munitions qui étaient chargées de réaliser la dispersion des toxiques, avait un rôle déterminant dans l’efficacité de ces substances. Les munitions allemandes avaient l’avantage, contrairement aux munitions françaises, d’être des obus à ogive ou culot rapporté. Il suffisait de remplacer la charge de l’obus, généralement un cylindre en carton contenant l’explosif, par un récipient empli du mélange toxique. Nous allons brièvement passer en revue les différents types qui furent utilisés par les Allemands durant l'année 1915. Ils se divisaient en trois catégories : grenades, projectiles de Minenwerfer et obus spéciaux.
On les divisaient en deux types.
Extrêmement rudimentaires, elles sont constituées d’une ampoule en verre mince, scellée, contenant un agressif liquide. Pour faciliter leur manipulation, elles sont entourées d’un filet. Elles sont transportées dans des boites unitaires cylindriques en fer blanc, et protégées des chocs par de la sciure ou du Kieselgühr. Le diamètre des boîtes est d’environ 95 mm, pour une hauteur de 150 mm. Elles sont munies extérieurement d’un crochet permettant de les suspendre au ceinturon. 2 types différents sont décrits :
L’emploi des grenades toxiques resta cependant peu fréquent ; elles n'étaient utilisées que lors d’épisodes de combat de tranchées à tranchées, lorsque celles-ci étaient très rapprochées les unes des autres. Leur utilisation disparaîtra pratiquement après l’apparition et la généralisation des masques polyvalents qui, à l’inverse des appareils à hyposulfite, réalisaient une protection efficace contre l’ensemble de ces substances lacrymogènes.
On distinguait deux catégories de minenwerfer : les projectiles de minenwerfers auxiliaires, très rudimentaires et les projectiles réglementaires, qui étaient très proches des obus classiques, et d’ailleurs munis de fusées.
Leur portée ne dépassait pas quelque centaines de mètres, pour une précision à peu près nulle. Deux modèles se sont succédés.
Le premier n’a, semble t’il, été utilisé qu’au début des attaques lacrymogènes, à la fin du mois de juin 1915. Il est constitué par un tuyau de poêle en tôle, de 390 mm de long et d’un diamètre de 90 mm. L’une des extrémités est obturée par une plaque soudée, l’autre par un bouchon en bois, maintenu par deux vis. Au centre de ce bouchon, est vissé un écrou traversé en son centre par un canal dans lequel s’engage un cordon Bickford. Il aboutit à une charge de poudre noire, suffisante pour faire sauter le bouchon, mais insuffisante pour déchirer les parois du tuyau. Cette charge provoque l’ouverture de l’engin de tel façon que le liquide est simplement répandu sur le sol, mais non pulvérisé ou vaporisé, ce qui, en le dispersant de façon exagérée, nuirait à son efficacité. Dans ce tuyau sont introduits deux flacons bouchés, contenant chacun environ 2 kg de brome. Pour éviter qu’ils ne se brisent avant l’explosion de l’engin, les flacons sont soigneusement calés à l’aide de sable.
Le second type succèda au premier, vraisemblablement dès la fin de l’été 1915. De même diamètre que le précédent, il est cependant moins long : 280 mm. Peint en gris, il comporte les inscriptions suivantes : « B-Stoff-Hoechst am Mein ». A l’intérieur du cylindre, se trouve une boite également cylindrique, en plomb, destinée à recevoir la substance agressive. Le fond de cette boîte présente une invagination dans laquelle vient se loger une gaine contenant la charge de rupture. Ces projectiles étaient remplis, le plus souvent, de bromacétone.
Ils étaient lancés par un Minenwerfer rayé, de 170 mm, tirant sous un angle voisin de 45° et dont la portée maxima était de 1000 m. Ils n'étaient pas exclusivement utilisés pour produire des atmosphères agressives, mais également comme projectile explosif. D’une manière générale, ce type d’engin était armé d’une fusée à double effet, de type Z. m. W. M. et dont la caractéristique était de pouvoir fonctionner indifféremment suivant que le projectile tombait sur la pointe ou le culot. Le corps du projectile était en tôle d’acier de 6 mm d’épaisseur ; il possèdait un culot vissé et son diamètre était de 168 mm. La chambre intérieure de l’obus comportait deux modes de chargement différents :
Le premier a été utilisé pour la première fois dans le Nord, à Neuville-Saint-Vaast, le 18 juin 1915. Il a surtout été employé durant l’été 1915, puis son usage a disparu au profit du second. Il contenait deux boîtes cylindriques superposées et hermétiques, maintenues en place à l’aide de paraffine coulée à chaud. La première, en plomb et d’une capacité de 2,4 l, contenait du chloroformiate de méthyle chloré ou palite. La seconde, en fer blanc et d’une capacité voisine de 3 l, contenait du chlorosulfate de méthyle.
Le second type est à récipient unique, en plomb. Il contient généralement de la palite, et parfois de la bromométhyléthylcétone.
L’ouverture de ces projectiles, qu’ils appartiennent à l’un ou l’autre modèle, était réalisée par un charge de tolite, suffisante pour permettre à la paroi de se déchirer, mais non pour projeter à distance les liquides agressifs, ce qui leur ferait perdre une partie de leur efficacité en les diluant. En outre, deux modes de disposition de la charge, permettaient de déchirer le projectile différemment (au niveau de l’ogive ou tout le long du corps de l’engin), suivant que l’on veuille répandre plus ou moins rapidement sur le sol les liquides qu’ils contenaient. Par cet artifice, la persistance du produit pouvait encore être modifiée.
Tous ces projectiles sont peint en gris ; ceux chargés en palite portent vers le haut de l’ogive deux cercles de peinture jaune ou blanche.
Ces projectiles furent majoritairement représentés, durant l’année 1915, par des projectiles de 150 mm. Cependant, les Allemands utilisaient parfois un obus de 105 mm, lancé par l’obusier léger de campagne modèle 1898-1919 (L.F.H.). Peu de ces projectiles seront retrouvés et analysés et nous ne disposons que de peu d’informations à leur sujet. Ils contenaient un récipient de plomb, renfermant des bromures de benzyle et de xylyle. Il semble que leur usage se soit légèrement développé au cours de l’année 1916.
Le type le plus couramment utilisé fut donc l’obus de 150 mm modèle 1912, qui se prêtait très bien au chargement de substances toxiques grâce à son culot arrière vissé, et dont la capacité convenait parfaitement pour disperser de grandes quantités de substances. La charge de tolite que renfermait ces obus spéciaux, était relativement faible. Lors de son explosion, l’enveloppe se séparait en fragments peu nombreux, et ne produisait que de très faibles entonnoirs. Le bruit de l’explosion était d’ailleurs caractéristique, ressemblant à celui d’un obus faisant un raté, ou encore comparé à celui de vaisselle se cassant. Le liquide contenu dans la boîte de plomb était peu dispersé et se répandait sur le sol simplement sous forme de flaque. L’atmosphère toxique obtenue était alors maximum, mais peu étendue. Ces obus furent chargés de diverses substances. Le premier utilisé fut l’obus T à bromure de xylyle. A partir de juin 1915, il contenait un mélange de bromure de benzyle et de xylyle. Vraisemblablement à partir du mois d’août 1915, un nouvel obus chargé en bromométhyléthylcétone, ou les dérivés dibromés beaucoup plus agressifs dominaient, fit son apparition. Il fut appelé obus K1 . Peu de temps après, un obus K2, chargé de palite, fut également introduit. Il portait une bande de peinture jaune au sommet de l’ogive pour le distinguer du précédent.
Il est curieux de constater que l’introduction de ces nouvelles armes chimiques, particulièrement puissantes puisque traversant les appareils protecteurs à hyposulfite (et même les premiers appareils polyvalents), ne fut pas exploitée par les Allemands dans un but de rupture du front, mais déjà plutôt comme un moyen de harcèlement de l’ennemi.
Les opérations menées en Argonne à l'été 1915, montrèrent qu'elles auraient pu briser le front, tout comme la vague gazeuse de chlore lâchée à Ypres le 22 avril 1915. Heureusement pour les armées alliées, les militaires allemands ne s'en aperçurent, une fois de plus, que trop tard !
Les autorités françaises réussirent l'exploit de mettre au point et de diffuser en à peine quelques mois, des moyens de protection, certes rudimentaires, mais capables de réduire la capacité de ces munitions à peu de chose.
[1] Plusieurs documents, ''Notes résumant la question de l’emploi à la guerre des substances chimiques’’, dispersés au milieu des comptes-rendus de la Commission, relatent cet incident.
1 Au départ, il y a fréquemment confusion entre le sachet, qui est l’étui qui protège le bâillon, et le bâillon lui-même.
[2] Thiosulfate de sodium.
1 Groupe de Brancardiers Divisionnaires.
1 Ce système de protection revient en fait à monsieur Pointet, industriel à Villeneuve-la-Garenne, qui l’avait proposé au général Joffre dès le 27 avril.
1 L’Etablissement du matériel chimique de guerre est l’organisme chargé des productions, sous la dépendance de la Direction du matériel chimique de guerre (D.M.C.G.).
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