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Les
munitions chimiques allemandes, 1914 à 1915.
Moins
de deux mois après le début des hostilités et après la défaite de la Marne,
la déconvenue du haut état-major allemand (Oberste
Heeresleitung ou OHL) fut complète. La campagne qui devait être courte s'enlisait et le front se
stabilisait. L'OHL remplaça von Moltke, alors chef d'état-major,
par Falkenhayn. Ce dernier, souhaitant par dessus tout retrouver la mobilité
sur le front, chargea le major Max Bauer de superviser des recherches, ayant pour
mission de développer une munition chimique, capable de déloger un adversaire
de retranchements inaccessibles à l'artillerie classique. Le Major Bauer nomma
une commission scientifique, sous la direction de Walther Nernst, chargée de
mener les recherches. Elles aboutissent très rapidement (ce qui permet de
supposer qu'elles avaient été débutée avant guerre), le premier toxique
utilisé étant le chlorhydrate de dianisidine, dont le nom de code est
Niesgeschoss.
Les obus de 105 mm "Ni".
Le 29 octobre 1914, les allemands envoyaient
3000 obus «Ni» de 105 mm contenant du chlorhydrate de dianisidine (Ni-geschoss
ou Niesgeschoss, Nies pour Niespulver qui signifie poudre éternuante) sur
Neuve-Chapelle, lors d’une offensive. Le toxique (environ 550g, fabriqué par
la Farben fabriken de Friedrich Bayer)), sous forme de
poussière fine, fut placé à côté d’une charge explosive et de schrapnells
dans le corps de l’obus. Ce produit, irritant pour les yeux et le nez, ne
sembla pas avoir été suffisamment efficace puisque l’expérience ne sera pas
réitérée et le projet abandonné. Les troupes françaises, lors de cette
attaque ne remarquèrent même pas qu'elles étaient victimes d'un bombardement
chimique.
Les obus T de 150 mm.
Les Allemands semblaient cependant déterminés
à franchir un cap dans la guerre chimique, espérant trouver dans l'utilisation
de cette nouvelle arme un moyen de percer le front. Dès la fin de l’année,
les recherches visant à la fabrication d’un obus toxique furent poussées à
fond. Pour mener ses recherches sur l’arme chimique, Fritz Haber (voir : Introduction
) forma une équipe
de huit chimistes, dont trois futurs prix Nobel : James Franck, Gustav
Hertz et Otto Hahn. Le major Bauer se charge d’obtenir le soutien des
industriels, et les résultats dépassèrent ses espérances puisque la firme
Bayer, dirigée par Carl Duisberg, se proposa de mettre l’appareil productif
du Cartel des colorants au service de la recherche sur les gaz de combat. La
firme Bayer proposa d’utiliser le bromure de xylyle, un puissant irritant
oculaire, l’idée ayant été suggérée par ailleurs par le docteur Tappen
(Hans Tappen est le frère d'un conseiller de Falkenhayn, Gerhard Tappen). La
synthèse du bromure de xylyle (T Stoff) fut réalisée par bromuration des huiles légères,
provenant de la distillation des goudrons. Les vapeurs de ces
substances étaient extrêmement irritantes pour les yeux, et leur odeur rappelait
un
peu celle que possédait un mélange d’essence d’amandes amères et de
formol. La toxicité était très faible, mais la puissance lacrymogène fut énorme,
pour un seuil d’action assez bas. La faible volatilité de ces substances rendait
leur évaporation très lente, et assurait ainsi la persistance de leurs effets ;
autre avantage : leurs vapeurs étaient très denses, et s’accumulaient au fond
des tranchées.
Le mélange très corrosif se décomposait
au contact du fer, aussi fut il enfermé dans un cylindre de plomb à
l'intérieur du corps de l'obus. Pour le
charger dans une munition, les Allemands modifièrent leur obus de 150 mm modèle
1912, en supprimant la charge d’acide picrique, et en la remplaçant par une
autre, bien plus faible, de tolite. Cette dernière fut placée au dessus du
cylindre de plomb, contenant 2,3 litres de toxique. Le poids total de l’obus
était voisin de 43,5 kg, et il pouvait être envoyé jusqu’à une distance de 7 à
8 km. La production fut lancée, et les premiers essais sur le terrain eurent lieu
le 31 janvier 1915, sur le front oriental, à Bolinov en Russie.
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A gauche, obus T de 150 mm |
Mais les résultats furent loin d'être ceux
escomptés, car les basses températures de l’hiver empêchèrent la vaporisation
du produit sur le terrain. L’équipe de Haber, de son côté, travaillait sans relâche sur le chargement d’obus en phosgène et en oxyde
d’arsenic. Mais un grave accident compromet l’avance des travaux au mois de
janvier. Lors d’un essai de chargement d’obus, le laboratoire saute et tue
sur le coup Otto Sackur, un spécialiste de la thermodynamique, et blesse grièvement
son collaborateur, Gerhard Just. Cet accident survenant en même temps que l’échec
des essais de l’obus T, semble avoir freiné, dans un premier temps, les recherches de dispersion de
toxiques par munitions d’artillerie.
1915, l’avènement et l’essor des premières
munitions chimiques.
La première émission de chlore par vague gazeuse du
22 avril 1915, malgré des résultats locaux, fut un échec. Faute de
moyens importants, restreinte à un simple essai probatoire, elle fut réduite
à une offensive de faible envergure dont les résultats ne purent être
exploités. La surprise passée, les Alliés s'étaient munis d'appareils
protecteurs rudimentaires mais suffisamment performant pour réduire le
potentiel des premières vagues gazeuses. Pour rendre son efficacité aux
opérations chimiques, les chercheurs allemands décidèrent d'exploiter
les propriétés de substances dont l’usage avait été programmé.
Parallèlement aux recherches menées sur les vagues gazeuses dérivantes,
les scientifiques allemands poursuivaient des études sur le premier mode
de dissémination envisagé et utilisé, les projectiles. Cette forme de
d’utilisation avait l’avantage d’être beaucoup plus souple et
permettait d’utiliser de nombreuses substances toxiques dont la nature
chimique était incompatible à une utilisation sous forme de vague
gazeuse.
La quantité de substance toxique susceptible d’être
dispersée à l’aide de projectiles était bien plus faible que celle
utilisée dans la technique des vagues gazeuses. Les chercheurs
d’outre-Rhin s’étaient ainsi penché, dès le début du programme
chimique allemand, sur des produits donnant des résultats à des
concentrations plus faibles. Pour obtenir un effet satisfaisant, il
fallait utiliser des substances qui permettraient de retrouver
l’avantage tactique que possédaient les allemands avant le 22 avril,
c’est à dire des substances que les premiers masques distribués
n’arrêteraient pas. Cela était d’autant plus facile, que les troupes
alliées ne possédaient pas encore de protection efficace, ni des voies
respiratoires, ni des yeux. Les produits choisis au début des recherches,
en comparaison au chlore utilisé à Ypres, étaient plus toxiques et il
était bien plus difficile de s’en prémunir à l'aide d'appareils
protecteurs de fortune. Nous ignorons si ce choix fut orienté en fonction
des capacités probables de réalisation d’appareils protecteur des alliés ;
chacun des agressifs chimiques utilisés et chargés en projectiles perçait
les masques primitifs. L’élaboration d’un procédé de neutralisation
efficace contre ces substances demanda un effort important aux services
chimiques français et anglais.
De nouvelles substances agressives.
Les artilleurs allemands utilisèrent, comme nous
l’avons déjà évoqué, des obus T chargés en bromure de xylyle et des
obus chargés en bromacétone sur le front de l’Ouest dès mars 1915
dans le secteur de Nieuport. Ces tirs, probablement peu conséquents, ne
motivèrent pas de réaction des français. Ceux effectués lors des
attaques par vagues gazeuses furent certainement plus important et décrits
par de nombreux observateurs. La création d’un organisme français, en
charge d’étudier les moyens utilisés par l’ennemi lors de ses opérations
chimiques, permit par la suite de déterminer très précisément les
toxiques mis en œuvre les Allemands.
De nouvelles substances agressives furent ainsi
introduites en quelques mois. Selon les observations des services
chimiques français, le brome fut le premier de la série, chargé en
grenades et en projectiles de Minenwerfer auxilliaires. Il était très
facilement et rapidement disponible en Allemagne ;
le type de projectile rudimentaire utilisé laisse à supposer qu’il
s’agissait d’un chargement de circonstance réalisé en toute hâte.
Le liquide répandait des vapeurs rouges-brunes, très lourdes (deux fois
plus denses que le chlore et qui avaient l’avantage de stagner dans les
dépression du terrain), fortement irritantes pour les yeux et les voies
respiratoires et possédait les mêmes propriétés suffocantes que le
chlore. Toutefois, si le chlore ne devenait lacrymogène qu’à de fortes
concentrations, le brome possédait une action très irritante pour les
yeux et le nez à des teneurs
très faibles. Il était retenu par les compresses à l’hyposulfite (les
premiers masques rudimentaires), mais irritait très fortement les yeux
non protégés.
Le chlore et le brome, deux composés de la famille
des halogènes, qui comptaient parmi les premières substances utilisées
comme agressif chimique, possédaient des propriétés lacrymogènes et
suffocantes qui pouvaient être considérablement augmentées, en les
ajoutant à quelques molécules organiques.
Ainsi, d’autres substances dérivées de ces premières, comme
l’éther bromacétique (B Stoff) (également chargée dans les grenades
suffocantes françaises) et surtout un mélange d’anhydride sulfurique
et de chlorhydrine sulfurique (C Stoff), furent rapidement utilisés. Ce
dernier produisait des fumées opaques, légèrement suffocantes. En
contact avec la peau, il provoquait des brûlures graves et douloureuses.
Il irritait très fortement les yeux dès 5mg/m3. Sa toxicité n’était
pas négligeable en milieu clos où une concentration de 3000mg/m3 était
mortelle en une minute.
A la fin du mois de juin, les Allemands développèrent
des attaques chimiques d’envergure, en n’utilisant que des projectiles
pour répandre leurs toxiques, mais en quantité importante. La première
attaques répertoriée de ce genre eu lieu le 20 juin 1915, dans le bois
de la Grurie, lors de l’offensive générale allemande en Argonne, qui débutait
le même jour. 20 000 à 25 000 obus de 150 mm tombèrent sur 1800 mètres
de largeur et 150 mètres de profondeur, entre la première et la deuxième
ligne française. La quantité de projectile utilisée permit de répandre
entre 60 et 90 tonnes de toxiques, sur un front de moins de 2 kilomètre.
A l’éclatement, apparut une fumée blanche qui agressa les hommes qui
l’inhalèrent. Ceux-ci appliquèrent immédiatement leur compresse, mais
elle ne leur apporta aucune protection et la zone infestée devint
intenable ; elle le restera pendant plusieurs jours. Cette attaque
inaugura l’utilisation d’une nouvelle substance agressive, dispersée
par obus T, le bromure de benzyle (T stoff). Ce produit était fortement
lacrymogène et également légèrement toxique. En comparaison au bromure
de xylyle, dont il était chimiquement très proche et utilisé dès
janvier 1915, le bromure de benzyle présentait un volatilité plus
importante qui permettait son utilisation même par temps froid ; son
efficacité lacrymogène était cependant inférieure. Sa faible volatilité
rendait son évaporation très lente et assurait la persistance de ses
effets pendant de nombreuses heures. Les vapeurs étaient très denses et
s’accumulaient dans les bas fonds. Mais surtout, elles perçaient la
protection des compresses neutralisantes alors utilisées
Les Allemands multiplièrent rapidement leurs
attaques par lacrymogènes sur tout le front, en obtenant de nombreux succès
locaux. Le 30 juin 1915, l’offensive allemande en Argonne s’étendait.
Les troupes du Kaiser tentèrent une nouvelle percée à l’aide d’obus
toxiques. De nombreuses positions françaises devinrent rapidement
intenables, noyées sous d’épaisses nappes de gaz. Le lendemain, 1er
juillet, le village de la Harazée était « saturé
de gaz », obligeant les troupes françaises à céder du
terrain. L’offensive se calma jusqu’au 13 juillet, jour durant lequel
de nouvelles attaques par munitions chimiques se développèrent,
notamment au bois de la Chalade. Le lendemain, sans aucune préparation et
déjà désorganisées par l’attaque de la veille, les troupes françaises
s’élançaient à la reconquête du terrain perdu ; elles furent
balayées sur place par la résistance ennemie. Le 16, suite à une
nouvelle attaque par munitions chimiques, notamment avec l'utilisation
d'obus à palite, les Allemands capturèrent un grand nombre de soldats
français, alors sans protection efficace contre les puissantes substances
lacrymogènes. Malgré ce succès local, les Allemands ne parvinrent pas
à percer le front et l’introduction de ces nouvelles substances
toxiques fut un nouvel échec en ce sens.
C’est également à la fin du mois de juin que les
Allemands utilisèrent pour la première fois la substance qui resta la
plus dangereuse de toutes celles utilisées pendant l’année 1915. Ce
nouveau produit, extrêmement toxique était le chloroformiate de méthyle
chloré (K Stoff), envoyé dans des obus de 170 mm, le 18 juin 1915 à
Neuville-Saint-Vaast. Kling récupéra un échantillon, l’analysa et
l’appella palite, puisqu’il
l’avait identifié au laboratoire municipal de la ville de Paris. C’était un dérivé du phosgène qui
constituait un lacrymogène énergique et qui possédait des effets
suffocants puissants. On
considérait que sa toxicité était environ dix fois supérieure à celle
du chlore. Au contact de l’air, elle fumait légèrement et s’évaporait
assez rapidement en produisant des vapeurs suffocantes. Cependant, elle
avait l’avantage d’être beaucoup moins volatile que le phosgène, et
par conséquent, de produire des effets plus prolongés sur le terrain. Sa
densité de vapeur était également plus importante et ces deux avantages
combinés permettaient d’obtenir des concentrations bien plus
importantes sur le terrain . Le produit utilisé par les Allemands n’était
pas le chloroformiate de méthyle chloré pur, mais un mélange de
celui-ci avec des dérivés plus chlorés qui accroissaient les propriétés
lacrymogènes. Les lésions déterminées par la palite sur les poumons,
apparaissaient soit immédiatement, soit au contraire assez tardivement,
mais, dans un cas comme dans l’autre, étaient en général très grave.
Les effets physiologiques de la palite sur les voies respiratoires étaient
ceux du phosgène et les doses incapacitantes et létales étaient
pratiquement les mêmes. L’action irritante sur les yeux et les voies
respiratoires supérieure était par contre bien plus importante.
Kling mit en garde la Commission de protection, car
ce toxique, le plus actif de ceux alors utilisés, n’était pas retenu
par les appareils de protection imbibés d’hyposulfite. L’introduction
de la palite chargée en obus, marquait une nette progression dans
l’utilisation des substances agressives. Ce toxique possédait des
propriétés suffocantes importantes, qui donnait, pour la première fois,
un pouvoir létal aux munitions chimiques. Cette dangerosité des vapeurs
de palite était finalement diminuée par leurs propriétés lacrymogènes.
En effet, il était impossible de rester dans une atmosphère chargée en
palite, sans que l’irritation oculaire qu’elle provoquait ne pousse à
se soustraire au plus vite de la zone contaminée. Un homme soumis à ses
vapeurs ne pouvait l’ignorer, et à moins que la zone battue et infectée
soit très importante ou que la concentration soit très élevée, il était
amené à chercher un endroit où respirer un air sain et à éviter
d’absorber une dose mortelle. Cela
n’empêcha pas l’Allemagne de poursuivre avec l’utilisation de
nouveaux toxiques.
Dès la fin de juillet, apparaissait la bromacétone
(B Stoff). Ce liquide rouge-brun produisait des vapeurs particulièrement
irritantes pour les yeux et possédait également des effets suffocants,
qui pouvaient se révéler mortels, si la durée d’exposition était
prolongée. Les Allemands augmenteront encore ses propriétés agressives,
en enrichissant leur bromacétone de dérivés dibromés, plus puissants
et plus persistants. Les effets lacrymogènes et suffocants devaient même
se révéler plus importants que la palite.
Puis, au mois d’août, ce fut la bromométhyléthylcetone
(Bn Stoff) qui apparaissait. Son action est encore plus forte que la
bromacétone et, comme cette dernière, elle traversait les appareils de
protection alors utilisés.
Parallèlement à la diversification des substances
agressives, les Allemands développèrent de nouveaux moyens de dispersion
par projectiles, en concevant des munitions mieux adaptées pour ce rôle.
Le but était de disposer d’un éventail de toxiques chargés en obus,
adapté a chaque type d’objectif. Par exemple, les substances aux effets
persistants (principalement T Stoff) furent utilisées pour interdire à
l’ennemi certains points névralgiques : Postes de Commandement,
carrefours stratégiques, nids de mitrailleuses, batteries… Cette
technique demandait alors un tir initial soutenu, suivi par un tir
d’entretien régulier, de telle sorte que les apports de substances
agressives soient supérieures aux pertes dans l’atmosphère.
A l’inverse, les substances qui se diluaient
rapidement et dont l’effet est fugace (K Stoff), furent utilisées
contre des positions d’où ils souhaitaient chasser rapidement
l’ennemi, mais qu’ils avaient l’intention d’utiliser rapidement.
La conception des munitions qui étaient chargées de
réaliser la dispersion des toxiques, avait un rôle déterminant dans
l’efficacité de ces substances. Les munitions allemandes avaient
l’avantage, contrairement aux munitions françaises, d’être des obus
à ogive ou culot rapporté. Il suffisait de remplacer la charge de
l’obus, généralement un cylindre en carton contenant l’explosif, par
un récipient empli du mélange toxique. Nous allons brièvement passer en
revue les différents types qui furent utilisés par les Allemands durant
l'année 1915. Ils se divisaient en trois catégories : grenades,
projectiles de Minenwerfer et obus spéciaux.
Les projectiles de Minenwerfers.
On distinguait deux catégories de minenwerfer :
les projectiles de minenwerfers auxiliaires, très rudimentaires et les
projectiles réglementaires, qui étaient très proches des obus
classiques, et d’ailleurs munis de fusées.
- Projectiles de
minenwerfers auxiliaires.
Leur portée ne dépassait pas quelque centaines de mètres,
pour une précision à peu près nulle. Deux modèles se succédèrent.
Le premier n’a, semble t’il, été utilisé
qu’au début des premières attaques lacrymogènes, à la fin du mois de
juin 1915. Il était constitué par un tuyau de poêle en tôle de 1,1mm
d’épaisseur, de 390 mm de long et d’un diamètre de 90 mm. L’une
des extrémités était obturée par une plaque soudée, l’autre par un
bouchon en bois, maintenu par deux vis. Au centre de ce bouchon, était
vissé un écrou traversé en son centre par un canal dans lequel
s’engageait un cordon Bickford. Il aboutissait à une charge de poudre
noire, suffisante pour faire sauter le bouchon, mais insuffisante pour déchirer
les parois du tuyau. Cette charge provoquait l’ouverture de l’engin de
tel façon que le liquide était simplement répandu sur le sol, mais non
pulvérisé ou vaporisé, ce qui, en le dispersant de façon exagérée,
nuirait à son efficacité. Dans ce tuyau était introduits deux flacons
bouchés, contenant chacun environ 2 kg de brome. Pour éviter qu’ils ne
se brisent avant l’explosion de l’engin, les flacons étaient
soigneusement calés à l’aide de sable.
Le second type succéda au premier, vraisemblablement
dès la fin de l’été 1915. De même diamètre que le précédent, il
était cependant moins long : 280 mm. Peint en gris, il comportait
les inscriptions suivantes : « B-Stoff-Hoechst
am Mein ». A l’intérieur du cylindre, se trouvait une boite
également cylindrique, en plomb, destinée à recevoir la substance
agressive. Le fond de cette boîte présentait une invagination dans
laquelle venait se loger une gaine contenant la charge de rupture. Ces
projectiles étaient remplis, le plus souvent, de bromacétone.
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Projectile de Minenwerfer
auxiliaire de 90 mm premier type (Brome).
Hauteur sans fusée : 390
mm
Poids total :
Charge explosive : poudre noire
Quantité de toxique : environ 2
kg de brome
Amorçage :
Date d’introduction : fin
juin 1915
Rendement :
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Projectile de Minenwerfer
auxiliaire de 90 mm second type (Bromacétone).
Hauteur sans fusée : 280
mm
Poids total :
Charge explosive : gaine relais
de mélinite
Quantité de toxique :
Amorçage :
Date d’introduction :
Rendement :
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- Projectiles réglementaires,
Minenwerfer de 17 cm modèle 1912 à récipient de plomb.
Ils étaient lancés par un Minenwerfer rayé, de 170
mm, tirant sous un angle voisin de 45° et dont la portée maxima était
de 1000 m. Ils ne furent pas exclusivement utilisés pour produire des
atmosphères agressives, mais également comme projectile explosif.
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A gauche : Minenwerfer de 170mm.
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A gauche : Fusée de type ZmWM (Zünder
mitterer Wurf Mine), fusée pour mortier lisse de tranchée. Fusée
percutante et à temps à double effet réglable : percutant
ordinaire où à temps.
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D’une manière générale, ce type d’engin était
armé d’une fusée à double effet, de type Z. m. W. M. et dont la
caractéristique était de pouvoir fonctionner indifféremment suivant que
le projectile tombait sur la pointe ou le culot. Le corps du projectile était
en tôle d’acier de 6 mm d’épaisseur ; il possédait un culot
vissé (qui s’observait par un raccord de filetage à environ 8mm de la
ceinture) et son diamètre était de 168 mm. Leur hauteur était de 628mm
pour un poids de 42kg environ. L’ouverture de ces projectiles était réalisée
par un charge de tolite (500g), suffisante pour permettre à la paroi de
se déchirer, mais non pour projeter à distance les liquides agressifs,
ce qui leur ferait perdre une partie de leur efficacité en les diluant.
En outre, deux modes de disposition de la charge, permettaient de déchirer
le projectile différemment (au niveau de l’ogive ou tout le long du
corps de l’engin), suivant que l’on voulait répandre plus ou moins
rapidement sur le sol les liquides qu’ils contenaient. Par cet artifice,
la persistance du produit pouvait
encore être modifiée.
Tous ces projectiles étaient peint en gris ;
ceux chargés en palite portaient vers le haut de l’ogive deux cercles
de peinture jaune ou blanche . Ils portaient également en caractères
noirs ou rouges différentes indications.
La chambre intérieure de l’obus comporte deux
modes de chargement différents :
Le premier fut utilisé pour la première fois dans
le Nord, à Neuville-Saint-Vaast, le 18 juin 1915. Il fut surtout employé
durant l’été 1915, puis son usage disparu au profit du second. Il
contenait deux boîtes cylindriques superposées et hermétiques,
maintenues en place à l’aide de paraffine coulée à chaud. La première,
en plomb et d’une capacité de 2,4 l, contenait du chloroformiate de méthyle
chloré ou palite. La seconde, en fer blanc et d’une capacité voisine
de 3 l, contenait du chlorosulfate de méthyle. Leur rendement était
d'environ 12,8%. Définition
Le second type était à récipient unique, en plomb.
Il contenait généralement de la palite, et parfois de la bromométhyléthylcétone
(environ 11,5kg de toxique).
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Projectile de Minenwerfer de 170
mm à deux récipients (chargement : chloroformiate de méthyle
chloré ou palite + chlorosulfate de méthyle).
Hauteur sans fusée : 628
mm
Poids total : 42 kg environ
Charge explosive :
500g de tolite
Quantité de toxique : 2,4
litres de palite et 3 litres de chlorosulfate de méthyle
Amorçage : Z.m.W.F. ou
Z.s.u.m.W.F.
Date d’introduction : 18
juin 1915
Rendement : 12,8%
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Projectile de Minenwerfer de 170
mm à récipient unique (chargement : palite ou bromométhyléthylcétone).
Hauteur : 460mm (635mm avec fusée),
diamètre extérieur : 152mm environ, épaisseur : 2mm
environ, capacité intérieure : 7,7l.
Hauteur sans fusée : 695mm
Poids
total : 42 kg
Charge
explosive :
Quantité de toxique : environ
11,5 litres.
Amorçage : Z.m.W.F. ou
Z.s.u.m.W.F.
Date d’introduction :
Rendement : 18,3%.
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Les obus spéciaux.
Ces projectiles étaient majoritairement représentés,
durant l’année 1915, par des projectiles de 150 mm.
Calibre 10,5 cm.
Cependant, les Allemands utilisaient parfois un obus
de 105 mm (Vers. F.H.Gr., à ogive vissée), lancé par l’obusier léger
de campagne modèle 1898-1919 (L.F.H.). Ils étaient amorcés à l'aide de
fusée H.Z. 14 ou HZ 05 (attention, sous réserve) Gr. Le poids total était
voisin de 15kg, sa hauteur de 378mm (hors fusée) et l'épaisseur des
parois était de 14mm. Peu de ces projectiles furent retrouvés et analysés
et nous ne disposons que de peu d’informations à leur sujet (pour les
munitions utilisées en 1915). Ils contenaient un récipient de plomb,
renfermant des bromures de benzyle et de xylyle. Il semble que leur usage
se soit légèrement développé au cours de l’année 1916.
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Obus chimique de 105 Vers.F.H.Gr à ogive vissée, lancé
par l'obusier léger de campagne modèle 1898-1909 L.F.H.
Poids total : 15 kg, hauteur : 378 mm (sans la fusée), épaisseur
de la paroi : 14 mm.
Hauteur sans fusée :
Poids total :
Charge explosive :
Quantité de toxique :
Amorçage :
Date d’introduction :
Rendement :
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A gauche : Fusée type HZ05Gr (Haubitz Zünder
1905 Granate), fusée percutante et à triple effet réglable :
percutant ordinaire ou retardé et à temps (attention, sous réserve).
A droite : Fusée
type HZ14, fusée percutante à effet unique ordinaire, ici
dans sa version avec goupille de sûreté et verrou centrifuge.
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Calibre 15 cm.
Le type le plus couramment utilisé était donc
l’obus de 150 mm modèle 1912 (15 Gr. 12), qui se prêtait très
bien au chargement de substances toxiques grâce à son culot arrière
vissé, et dont la capacité convenait parfaitement pour disperser de
grandes quantités de substances. La charge de tolite que renfermait ces
obus spéciaux, était relativement faible ; les 1,5kg d'explosif était
coulés dans l'ogive dans laquelle venait se loger la fusée. Lors de son
explosion, l’enveloppe se séparait en fragments peu nombreux, et ne
produisait que de très faibles entonnoirs. Le bruit de l’explosion était
d’ailleurs caractéristique, ressemblant à celui d’un obus faisant un
raté, ou encore comparé à celui de vaisselle se cassant. En comparaison
aux obus toxiques introduis en 1917, la détonation restait malgré tout
importante. Le liquide contenu dans la boîte de plomb était peu dispersé
et se répandait sur le sol simplement sous forme de flaque. L’atmosphère
toxique obtenue était alors peu importante,
peu étendue mais persistante. Ces obus étaient chargés de
diverses substances. Le premier utilisé était l’obus T à bromure de
xylyle. A partir de juin 1915, il contenait un mélange de bromure de
benzyle et de xylyle. Vraisemblablement à partir du mois d’août 1915,
un nouvel obus chargé en bromométhyléthylcétone, beaucoup plus
agressifs et où les dérivés dibromés dominaient, fit son apparition.
Il fut appelé obus K1 . Peu de temps après, un obus K2,
chargé de palite, fut également introduit. Il portait une bande de
peinture jaune au sommet de l’ogive pour le distinguer du précédent.
Ces obus spéciaux étaient plus lourds (d’environ 1,8 kg) que les obus
explosifs ; la portée de leur tir était ainsi légèrement diminué.
Comme ils ne comportaient pas de fumigène permettant d’observer le
point de chute, le réglage se faisait avec des obus conventionnels, puis
la hausse était modifiée. La précision des tirs était ainsi moins
bonne.
Les obus chimiques de 15 cm en 1915 :
Obus chimique du type Gr. 12, tiré par
l'obusier lourd de campagne S.F.H. modèle 13. Cet obusier constitue
l'arme principale de l'artillerie lourde de campagne.
Poids total : de
41,5 à 43,3 kg suivant la nature du chargement toxique et du récipient
(plomb ou porcelaine), épaisseur des parois : 19,5mm, ceinture de
cuivre placée à 25mm du plan inférieur du culot. Volume de
toxique : 2,3l. Rendement : 5,3%. Explosif : 1,5 kg de tolite
fondue. Amorçage : Gr. Z. O4 en position o.V. (instantanée).
32 à 36 rayures à la ceinture pour les modèles toxiques.
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Obus de 15 cm Gr. 12 type T
Chargement : Bromure de
benzyle et de xylyle (T Stoff)
Hauteur sans fusée : 555
mm
Poids total : 41,5 à 43,3
kg
Charge explosive : 1,5 kg de
tolite
Quantité de toxique : 2,3
litres
Amorçage : Gr.Z.04 en
position o.V.
Date d’introduction :
Rendement : 5,3%
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Obus de 15 cm Gr. 12 type K1,
dans sa version de 1915.
Chargement : dérivés bromés
et dibromés de méthyléthylcétone (Bn Stoff)
Hauteur sans fusée : 555
mm
Poids total : 41,5 à 43,3
kg
Charge explosive : 1,5 kg de
tolite
Quantité de toxique : 2,3
litres
Amorçage : Gr.Z.04 en
position o.V.
Date d’introduction :
Rendement : 5,3%
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Obus de 15 cm Gr. 12 type K2
dans sa version de 1915.
Chargement : chloroformiate
de méthyle chloré ou palite (K Stoff)
Hauteur sans fusée : 555
mm
Poids total : 41,5 à 43,3
kg
Charge explosive : 1,5 kg de
tolite
Quantité de toxique : 2,3
litres
Amorçage : Gr.Z.04 en
position o.V.
Date d’introduction :
Rendement : 5,3%
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Obus T : bromure de benzyle et de xylyle (T Stoff).
Peint en gris, porte au sommet de l'ogive une bande de peinture noire. Sur
le corps de l'obus est peint la lettre T, la date de chargement, des
notations indiquant le lieu de chargement (exemple : 165 A.B.15).Le récipient
en plomb ne porte habituellement aucune inscription. Le volume de ce
dernier est de 2.360 litres, pour environ 3 kg de toxiques.
Obus K1 en 1915 : dérivés bromés et dibromés de méthyléthylcétone
(Bn Stoff) . Les bromures lacrymogènes sont constitués par un mélange
à proportion variable de carbures benzéniques (15 à 20%), de dérivés
monobromés (40 à 50%) et dibromés (25 à 30%). Cet obus fut peut utilisé
et devait rapidement disparaître. L’appellation K1 fut fixée pour les
obus à méthyléthylcétone par les services chimiques français :
« nous n’avons pu retrouver le signe K1 sur les divers obus que
nous avons eus entre les mains, mais, étant donné que cet obus
appartient à la catégorie spéciale dite des obus K, et que nous savons
qu’il est distinct de l’obus K2, dont nous avons retrouvé des
exemplaires portant leurs inscriptions intactes, nous sommes autorisés à
penser que l’obus K à cétones bromées est bien l’obus K1 ».
Nous n’avons aujourd’hui aucune certitude que les obus chargés en cétones
bromés, qui furent très peut utilisé, étaient désignés sous cette
appellation. Il est possible que sous la désignation d’obus K, des
chargement distincts aient été utilisés. Par la suite (en 1916),
l’appellation K fut uniquement conservée pour le chargement en
palite.
Obus K2 en 1915 : chloroformiate de méthyle chloré
ou palite (K Stoff). Les récipients en plomb portent, à l’encre noire,
la notation K2 suivie d’un chiffre ou d’un nombre. Cet obus deviendra
l’obus K en 1916 ; l’appellation K2 étant plus tard réservée
aux obus chargés en surpalite apparaissant au printemps de 1916.
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A gauche : fusée type Gr. Z 04
(Granat Zünder 1904), Fusée percutante à double effet avec réglage
: instantané ou ordinaire.
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Il est curieux de constater que l’introduction de
ces nouvelles armes chimiques, particulièrement puissantes puisque
traversant les appareils protecteurs à hyposulfite (et même les premiers
appareils polyvalents), ne fut que très rarement exploitée par les
Allemands dans un but de rupture du front, mais déjà plutôt comme un
moyen de harcèlement de l’ennemi.
Utilisation des obus spéciaux.
Les obus chimiques utilisés par les allemands
pendant l’année 1915 étaient presque exclusivement constitués par des
projectiles de 150 mm, appartenant au type T et au type K. Les projectiles
de Minenwerfer étaient surtout utilisé comme moyen complémentaire lors
des attaques chimiques.
Ces obus ne donnaient des résultats appréciables
que dans certaines conditions :
- Temps calme, avec un vent ne dépassant pas 2m/s.
Il était en effet indispensable que la quantité de substance agressive
apportée par le bombardement soit supérieure aux pertes dues à la
diffusion dans l’atmosphère. Pour ces raisons, les attaques étaient
souvent dirigées contre des objectifs en terrain boisé ou contre des
abris soustraits à l’action du vent.
- Utilisation de quantité importante.
- La température était un facteur essentiel. En
hivers, lorsque la température était inférieure à 0°C, les attaques
ne pouvaient être réalisées qu’avec des substances volatiles (K1 et
K2). A l’inverse, par temps chaud, ce sont surtout les obus chargés en
substances peu volatiles (T) qui étaient utilisés.
Les Obus T répandaient des substances peu volatiles
dont les effets pouvaient persister plusieurs heures. Ils étaient destinés
à créer des barrages permanents que les troupes assaillantes ne
traversaient pas. En arrière des premières lignes, ils formaient un
barrage destiné à empêcher l’accès des réserves ou la retraite des
troupes, ou bien de déloger les observateurs d’artillerie, de
neutraliser un batterie d’artillerie que les obus explosifs ne pouvaient
atteindre. Ils permettaient également d’isoler les troupes des postes
de commandement, en encerclant ces postes dans une zone agressive. Pour
permettre aux troupes assaillantes de pénétrer ces barrages, les
Allemands ménageaient parfois des couloirs larges de plusieurs dizaines
de mètres par lesquels ils faisaient avancer leurs colonnes d’assaut.
Avec les obus T, une fois le rideau agressif formé, un tir relativement
lent suffisait à entretenir l’atmosphère contaminée.
Les obus K, aux effets se prolongeant beaucoup moins,
étaient surtout employés contre des positions d’où ils voulaient
chasser rapidement l’ennemi, mais qu’ils avaient l’intention
d’occuper rapidement. Le tir était alors réalisé en un temps très
court et était très nourri.
Lors des attaques réalisées par obus chimiques en
1915, ce sont surtout les obus T qui ont été utilisés. Nous verrons que
c’est exactement l’inverse qui se produira à l’été 1916. La portée
des obus de 150 mm avoisine les 7 à 8 km ; toutes les parties du
front sont donc susceptibles d’être soumises à une attaque chimique.
Quelques attaques par obus spéciaux :
Sur le front de l’Ouest, les obus T firent leur
apparition en mars 1915, dans le secteur de Nieuport. Ils furent ensuite
utilisés lors des opérations d’attaques par vagues gazeuses dérivantes
dans le secteur du saillant d’Ypres, en avril et mai 1915. Ils furent
ensuite utilisés massivement (les
quantités étaient cependant bien moindre que celles qui furent utilisées
un an plus tard) en Argonne lors des offensives de juillet ; selon
les sources, de 2000 à 3000 obus étaient souvent utilisés. D’autres
substances plus efficaces firent leur apparition durant l’été 1915,
mais jusqu’au mois d’octobre, la presque totalité des obus dits
asphyxiants du calibre de 15 cm appartenaient à ce type (obus T chargés
en bromure de benzyle et de xylyle). Les 19 et 20 octobre, les Allemands
combinèrent lors d’une attaque en Champagne, l’utilisation d’une
vague gazeuse de chlore avec celle de munitions de minenwerfer
de 17cm du premier type (chargés en chloroformiate de méthyle
chloré ou palite et en chlorosulfate de méthyle) et
du deuxième type (chargés en palite ou en bromométhyléthylcétone),
sur les premières lignes. Simultanément, les batteries, les carrefours
et les positions de batteries recevaient des obus T. A partir de cette
date, les attaques chimiques combinaient l’utilisation de munitions de
17cm et de 15cm chargés des substances que nous venons d’énumérer.
Ces attaques étaient peu nombreuses et ne concernaient que quelques
actions offensives isolées sur le front.
- Attaques en Argonne du 20 juin au 16 juillet 1915,
que nous avons déjà évoqué.
- Attaque dans les Vosges du 31 août 1915 :
Les positions du Linge furent attaquée par des obus
T de 15 cm, de 12h00 à 18h00, de façon à créer un barrage sur la zone
de terrain située entre les 1er lignes et les renforts. Sur le
terrain, les effets ont persistèrent durant 48 heures. On observa chez
les intoxiqués les symptômes suivant : irritation oculaires, maux
de tête et vomissements. L’attaque aurait donné quelques succès.
-
Attaque en Argonne dans le secteur de La Harazée, le 8 septembre 1915,
sur la 19e et 131e D.I.. Le front concerné se
situait entre La Chalade et Vienne le Château. Le bombardement dura de 7h
du matin jusque 11h ; l’attaque d’infanterie fut déclenchée
ensuite. Les Allemands firent usage d’obus T de 15 cm de façon à
isoler les premières lignes
par un rideau de gaz lacrymogène. Ils auraient fait 1800 à 2000
prisonniers.
- Attaque en Champagne, dans le secteur de la ferme
de Beauséjour, le 21 septembre sur les troupes du 37e R.I. (20e
C.A.).
L’attaque à été précédée par un tir d’obus
K à cétones bromées. Les Allemands se sont avancé munis de Gummimaske
ou de masque à hyposulfite. Ils auraient fait un trentaine de
prisonniers.
- Attaque en Champagne, dans la vallée de l’Ain,
près de Mourmellon. Troupes visées : 7e et 24e
D.I., 124e R.I., 101e et 53e R.I..
- Région de la butte de Tahure, 30 et 31 octobre,
sur le 16e, 2e et 28e C.A. (10e,
56e, 80e, 143e, 342e, 328e
R.I. et 48e R.A.). L’attaque a commencée le 30 au matin, pendant
plusieurs heures. Elle est reprise le 31 mais sembla moins violente.
Toujours un tir d’obus T de 15 cm pour créer un barrage isolant les 1er
lignes et utilisation de projectiles de Minen de 170 sur les premières
lignes et les réserves ; on nota de nombreux tirs de
contre-batterie. De grosses quantités de projectiles furent utilisées ;
l’attaque provoqua « beaucoup d’effet moral et physique ».
On observe de nombreuses intoxications graves (près de 200 hommes évacués)
et au moins 15 décès. Résultats : léger recul des lignes et 1500
disparus.
Efficacité des obus spéciaux.
Les munitions emplis de substances lacrymogènes
permirent quelques résultats sérieux, principalement durant l’été
1915. Les toxiques qu’elles répandaient irritaient principalement les
yeux et les voies respiratoires supérieures. Les troupes françaises, équipées
d’appareil de protection de fortune étaient particulièrement vulnérables,
et ce jusqu’à l’apparition de lunettes de protection étanches à
partir d’octobre 1915. Les attaques menées en Argonne en juillet et
septembre 1915, à l’aide d’obus T-Stoff, permirent la capture de
plusieurs milliers de prisonniers. L’intérêt de ces munitions disparu
dès que les troupes françaises furent équipées d’une protection
efficace.
Les munitions chargées de substances suffocantes,
comme la palite (K-Stoff), la bromométhyéthyle cétone (Bn-Stoff) et
dans une moindre mesure la bromacétone (B-Stoff), perçaient les
protection rudimentaires françaises imprégnées d’hyposulfite. Les
masques polyvalents, distribués à partir de septembre 1915, devaient
assurer une protection contre ces substances. Si cela était vrai en
conditions de laboratoire, cela s’avérait faux avec les appareils
fabriqués en série en situation sur le front. Ainsi, à de nombreuses
reprises, des hommes se trouvant à proximité du point d’explosion
d’obus chimiques, furent intoxiqués parfois gravement. Lors d’une
attaque par vague gazeuse effectuée les 19, 20 et 27 octobre 1915, au
sud-est de Reims, des projectiles de minenwerfer de 170 mm, du premier et
du deuxième type, furent tirés sur les premières lignes. Ils
contenaient soit de la palite et du chlorosulfate de méthyle ou d’éthyle,
soit de la bromométhyléthylcétone. Les hommes qui subirent l’action
de ces projectiles furent sérieusement atteints, l’efficacité de ces
substances se révélant même localement plus virulente que celle du
chlore. En même temps, les tranchées de repli, les routes, les positions
de batteries, recevaient quelques obus T lacrymogènes qui ne firent pas
de victimes. Un rapport au sujet de cette attaque, rédigé par André
Kling, précise : « Pris dans leur ensemble, les hommes
qui ont subi l’action des minenwerfer suffocants, ont été très sérieusement
atteints. L’effet de ces substances a été considéré par le
Commandement comme tout aussi virulent que celui de la nappe de chlore,
quoique forcement plus localisé et un peu moins tenace. Des décès sont
survenus parmi les victimes de ces produits dans des conditions rappelant
celles des morts par intoxication au chlore ».
Les attaques par vagues étaient fréquemment renforcées par des
pilonnages localisés d’obus toxiques. Ces tirs occasionnèrent de
nombreuses victimes. L’analyse des viscères des victimes permit fréquemment
de mettre en évidence la présence de brome, ce qui signait une
intoxication à la bromométhyéthyle cétone (Bn-Stoff) ou parfois la
bromacétone (B-Stoff).
Le 19 novembre 1915, les conclusions d’essais
effectués par le professeur Lebeau, furent présentés à la Commission
de protection. Ils avaient été menés à l’aide de deux expérimentateurs
qui s’étaient enfermés dans une chambre hermétique dans laquelle une
concentration de toxique connue était maintenue. Avec le tampon P2, les résultats
furent les suivant : Palite : 10 minutes de protection à la
concentration de 0,25g/m3. Chlorosulfate d'éthyle (C-Stoff) : 3 minutes
à 0,25g/m3. Enfin, avec la Methyléthylcetone Bromée, seulement quelques
minutes à 0,025g/m3 avant d’être incommodé. Ces essais mettaient en
évidence la difficulté avec laquelle les appareils polyvalents
retenaient ces substances. Même protégés par leur masque, les hommes
situés à proximité du point de chute de l’un de ces projectiles, étaient
susceptibles d’être gravement intoxiqués. Les Allemands possédaient
alors un avantage tactique énorme, mais semblaient l’ignorer. Il est
probable que l’utilisation d’une grande quantité de projectiles spéciaux,
concentrée sur une zone géographique précise, tel que cela fut réalisé
l’année suivante, aurait donné des résultats à l’image de ce qui
s’était produit le 22 avril 1915 à Ypres.
Lors d’une nouvelle attaque par vague, le 26
novembre 1915, dans la région de Forges et de Béthincourt, quelques
projectiles spéciaux sont tombés une demie heure environ après la
vague. Sur place, des hommes ayant parfaitement bien résisté au chlore
grâce à leur masque, et bien qu'ayant encore le masque sur le visage,
ont éprouvé une sensation de picotement intolérables des yeux suivie de
larmoiement, perçu une odeur ou plutôt une saveur indéfinissable, désagréable,
non aromatique (différente de celle du chlore) et une impression
d'angoisse thoracique. Ce bombardement provoqua un grand nombre d'intoxiqués
au 164e R.I.. Parmi ces hommes qui avaient été soumis aux effets de ces
projectiles, un sergent et 4 hommes se sont sentis assez remis pour aller
faire leur tournée de ravitaillement en cartouche. Environ 2 heures après,
ils ont été pris brusquement d'une angoisse cardiaque (ressentie également
par tous ceux qui n'ont été que légèrement atteints) et sont morts en
l'espace de 30 minutes. Ces symptômes étaient classiques lors d’une
intoxication par la Palite. André Kling, qui fut envoyé sur place pour
mener une enquête sur cette attaque, note : « Les obus spéciaux
qui ont été déversés sur la région (…), ont causé beaucoup plus de
ravages et provoqué la plupart des cas d’intoxication ».
Il fallut attendre la distribution d’appareils bien
plus performants, comme les masques TN puis M2 (à partir de janvier
1916), pour réduire l’efficacité de ces munitions. Dès lors,
l’emploi des projectiles K1 et K2 comme celui des munitions de
minenwerfer Bn-Stoff , tel qu’il était réalisé en 1915, c’est à
dire en quantité peu importante, devint quasiment inefficace.
Selon E. Vinet, la production d’obus chimique, réalisée
par Kahlbaum, Hoechst et Bayer de décembre 1914 à la fin de l’année
1915, atteignit près d’un million d’exemplaires.
Les grenades toxiques.
On les divisaient en deux types.
-Grenades destinées
à se briser au choc.
Extrêmement rudimentaires, elles étaient constituées
d’une ampoule en verre mince, scellée, contenant un agressif liquide.
Pour faciliter leur manipulation, elles étaient entourées d’un filet.
Elles étaient transportées dans des boites unitaires cylindriques en fer
blanc, et protégées des chocs par de la sciure ou du Kieselgühr.
Le diamètre des boîtes était d’environ 95 mm, pour une hauteur de 150
mm. Elles étaient munies extérieurement d’un crochet permettant de les
suspendre au ceinturon. 2 types différents furent décrits :
1 - Grenade sphérique de 85 mm de diamètre,
d’une capacité de 250 ml et renfermant, soit un mélange corrosif
d’anhydride sulfurique et de chlorhydrine sulfurique, soit de la
bromacétone industrielle. Dans ce cas, elles étaient appelées
« Hand-A-Stink-Kugel »
et se distinguaient des précédentes par une couche de peinture
jaune sur l’ampoule en verre, à sa partie supérieure.
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-Grenades explosives.
Elles étaient sphériques, en tôle vernie,
comportaient le marquage « B »
ou « B-Stoff »
et parfois le fabricant « Hoechst-a-M ».
Le poids total était d’environ 1 kg pour 600 g de substance
lacrymogène. Elle contenaient, la plupart du temps, de la bromacétone
ou de la bromométhyléthylcétone, parfois le mélange
chlorhydrine-anhydride sulfurique et comportait alors l’indication
« N-Stoff ».
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L’emploi des grenades toxiques reste cependant peu
fréquent ; elles ne furent utilisées que lors d’épisodes de
combat de tranchées à tranchées, lorsque celles-ci étaient très
rapprochées les unes des autres. Leur utilisation disparaîtra
pratiquement après l’apparition et la généralisation
des masques polyvalents qui, à l’inverse des appareils à
hyposulfite, réalisaient une protection efficace contre l’ensemble de
ces substances lacrymogènes.
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