La guerre des gaz : mensonges, mythes et
réalités.
La mémoire collective conserve quelques symboles immuables
caractérisant la Première Guerre mondiale, parmi lesquels figurent en bonne
place : les tranchées, la boue, Verdun, les attaques à la baïonnette, et
la guerre des gaz.
La plupart de ces symboles ont été déformés et mythifiés
pour entrer dans les manuels d’Histoire de France, enseignés à des générations
d’écoliers, et retranscrits jusque dans certains ouvrages d’Histoire. Parmi
ceux-là, la guerre des gaz a exercé une telle fascination, qu’elle occupe
notre imagination sous forme de clichés et d’idées toutes faites, inébranlables.
On dépeint fréquemment l’asphyxie du combattant victime de ces armes
nouvelles et les souffrances qu’elles pouvaient apporter. Pourtant, force est
de constater que l’on sait peu de choses sur cette guerre des gaz.
Pour les non-initiés, les gaz de combat portent tous des
noms obscurs et inintelligibles, leur conférant un caractère mystérieux. Les
historiens se refusent souvent à décrire leurs propriétés, confondant
souvent leurs effets : ''lacrymants, asphyxiants, suffocants, toxiques et même
incendiaires'' ! La chronologie de leur apparition est détournée. Une
opinion largement répandue admet que ce sont les Allemands qui utilisèrent les
premiers à Ypres, le 22 avril 1915, ce genre d’arme, violant ainsi les termes
de la première Conférence de la paix de la Haye (1899) et de la Convention de
Genève de 1907, qui interdisent l’usage de ''gaz asphyxiants ou délétères''.
Devant ces accusations, les Allemands prétextèrent l’utilisation de grenades
à gaz par les Français, et justifièrent la vague du 22 avril comme étant une
réplique. Pur mensonge, relatent les manuels d’histoire. Pourtant, nous
verrons que la France a utilisé dès août 1914 des projectiles portant le nom
sans équivoque ''d’engins suffocants'' et que, vraisemblablement, elle était
la seule à avoir mené, avant-guerre, des études secrètes sur les substances
''puantes'', comme on les appelait alors.
L’histoire de la guerre des gaz comporte beaucoup
d’autres imprécisions, et il est courant de relever, dans sa narration, des
faits et des dates anachroniques, voire même purement fantaisistes. La mise en
place des moyens de protection est fréquemment relatée de façon erronée, et
de nombreuses fausses idées circulent encore. Cet aspect méconnu du conflit
est pourtant essentiel à la compréhension globale de la Grande Guerre. Pour
parvenir à leurs fins, les belligérants ne cesseront d’essayer de mettre à
mal la filtration des appareils de protection, dont la vie des combattants dépendait.
Y sont-ils arrivés ? Aujourd'hui encore, la réponse à cette question
n'est pas clairement établie.