A l’aube de la deuxième Guerre mondiale, la France s’empresse d’achever un programme de modernisation de sa défense contre les gaz de combat, débuté depuis près de 20 années, juste après la fin du premier conflit mondial. L’heure n’est plus aux hésitations et aux tergiversations d’antan : les tambours de guerre résonnent de l’autre côté du Rhin. On prend maintenant conscience du retard accumulé dans les programmes de fabrication, et du temps perdu, à l’époque où aucune menace extérieure sérieuse ne pesait sur le pays.
Plusieurs années auparavant, en 1920, l’arme chimique avait pourtant été à nouveau condamné et prohibée. Les Alliés et la Société des Nations souhaitaient alors interdire l’utilisation des gaz de combat. Mais en réalité, aucune grande puissance ne semblait vouloir se priver d’utiliser une arme nouvelle aux potentiels encore en partie méconnus. A cette époque, le colonel Vinet, Chef du bureau des Services Chimiques, s’adresse ainsi au Ministre de la Guerre : « Les armes chimiques se sont révélées dans la dernière guerre comme un moyen de combat trop puissant pour que l’un ou l’autre adversaire ne soit pas tenté de s’en servir. Tout le monde est bien d’accord sur ce point, amis et ennemis ; si une guerre recommence, le combat par les gaz reprendra avec tous les perfectionnements que les progrès de la science permettront de lui apporter. Cela suffit à tracer notre devoir et à déterminer notre tâche. ».
Dans la France de l’après-guerre, les militaires gardent encore en mémoire les machiavéliques innovations techniques allemandes de la guerre chimique. Pas moins de 10 nouvelles substances toxiques avaient successivement été introduites, durant les deux dernières années du conflit, dans le but de percer la protection des appareils respiratoires. On se souvient aussi qu’au moment même où la guerre s’achevait, la guerre chimique, elle, s’apprêtait à connaître un nouvel essor avec l’utilisation de corps chimiques encore plus puissants que jamais.
Fort du principe selon lequel l’arme chimique serait à nouveau utilisée tôt ou tard, les Services Chimiques français reprennent, dès 1920, les études portant sur la protection respiratoire. On se propose de modifier le masque ARS, distribué aux troupes depuis avril 1918, et encore considéré comme extrêmement performant.
Un problème avait été soulevé lors de la mise au point du masque à gaz ARS, concernant l’emploi du caoutchouc. On avait remarqué qu’il vieillissait mal et qu’il était perméable à certains agressifs, notamment à l’ypérite. Des études avaient alors été menées pour éviter son emploi. On avait ajouté au tissu caoutchouté de l’enveloppe du masque un second, huilé, pour confectionner les premiers ARS. Les soupapes en caoutchouc du masque seront ensuite remplacées par d’autres en mica, puis en aluminium. Dans les années 1920, on choisit de remplacer les rubans élastiques des masques par des tendeurs constitués de ressorts métalliques. Enfin, la couche de tissu caoutchouté de l’enveloppe fut remplacée par un tissu cellophané, l’huile de l’imprégnation dégradant le caoutchouc à la longue. Par la suite, un nouveau type de caoutchouc, de meilleure qualité, plus résistant au vieillissement et complètement imperméable à l’ypérite, sera mis au point et utilisé dans les fabrications (pour le loup tenant les viseurs et le tuyau reliant le masque au bidon où à la cartouche).
Le mode de suspension de la boîte métallique de l’appareil ARS est également modifié dans les années 1920. Les passants de bretelle de suspension et de patte d’attache sont remplacés par une chape retenant un anneau de passant, dans lequel passe la sangle. Enfin, des enveloppes protectrices en drap pour appareils d’instruction sont réalisées par les ateliers Z. Fréquemment taillées dans du drap des anciennes tenues, elles sont constituées par un sac de forme cylindrique ayant 26 cm de hauteur, pour un diamètre de 11 cm. On utilisa également, pour les confections, les vieilles enveloppes en drap pour étuis métalliques des masques M2.
A gauche : Appareil ARS , typique des fabrications de la Première Guerre (tissu extérieur enduit).
A droite : Masque ARS produit après 1918 (tissu cellophané).
A gauche, vue des sangles en tissu élastique des fabrications de 1917 et 1918.
A droite, les sangles sont constituées de tendeurs métalliques recouverts de tissu.
De gauche à droite :
Boîte métallique pour ARS, fabrication de 1917 à juin 1918.
Ajout d’une ceinture de 35 mm de largeur sur le sommet de l’étui, sur laquelle sont agrafés les passants et la charnière du couvercle. Modification adoptée le 31 mai 1918.
Modification des années 1920 : les passants de bretelle sont remplacés par une chape retenant un anneau de passant.
On souhaitait augmenter la durée de protection de la cartouche et améliorer sa capacité de filtration, notamment en ajoutant un nouveau filtre susceptible d’arrêter les poussières très fines, comme les composés de la classe des arsines. L’augmentation du poids et du volume, due au dispositif additionnel, nécessite de séparer la partie filtrante (la cartouche) du corps du masque. Ce fut le motif de l’organisation de l’appareil normal de protection, que nous verrons par la suite. Ainsi, on ressort des tiroirs un projet datant de 1916 : relier le masque à une cartouche filtrante de grande capacité par un tuyau souple, permettant le port de la cartouche au niveau de la taille. L’idée fait tranquillement son chemin jusqu’en 1927, date à laquelle on envoie à la réforme les anciens masque M2. Pour combler le déficit en appareils protecteurs, on envisage la production d’un nouveau type de masque. En 1928, trois prototypes, concus dans les années 20, sont à l’essai :
A cette époque, aucune menace directe ne pèse sur la France et rien ne justifie de presser les études, si bien qu’en 1931 les stocks sont encore constitués de 2,7 millions appareils ARS obsolètes, qui même remplacés, ne couvriraient pas le déficit estimé alors à 2 millions d’exemplaires. En attendant que le type du nouveau masque soit fixé et pour combler le vide des 2 millions de masques manquants, on propose de produire, à moindres frais, un appareil dit « transitoire », qui serait constitué d’un masque ARS auquel on ajouterait un tuyau souple le reliant à une nouvelle cartouche absorbante, arrêtant les arsines.
Ainsi, en 1931, on s’inspire d’un des prototypes proposés en 1928, pour adopter le principe du nouvel « appareil transitoire » : un masque ARS avec une embase modifiée par un dispositif spécial coudé, permettant d’y visser verticalement un tuyau souple. Ce dispositif permet de tirer parti du stock d’ARS existant, et même d’en continuer la fabrication, en attendant que le nouveau type d’appareil soit fixé. La production des pièces permettant cette modification débute en 1932. Pour procéder à cette transformation, on supprime la soupape d’inspiration du masque, qui ferait double usage avec celle du tuyau, puis on fixe le dispositif spécial coudé sur l’embase. 1 867 000 appareils transitoires sont ainsi modifiés en juillet 1933, dont seulement 10 000 possèdent le dispositif contre-arsine. Enfin, à partir de 1934, on monte sur la cartouche de l’ARS, la galette d’addition modèle 33 (voir plus loin).
En 1931, les masques en stock sont tous des appareils ARS obsolètes et aucun des prototypes à l’essai n’est adopté. Par mesure d’économie et devant l’urgence de la situation, on propose de produire à peu de frais un appareil dit « transitoire ». Il s’agit simplement d’un ARS dont on modifie l’embase en ajoutant un dispositif spécial coudé, permettant de visser verticalement un tuyau souple. Ce dispositif doit permettre de tirer partie du stock d’ARS existant et même de poursuivre sa fabrication. La production des pièces débute en 1932 et 1 867 000 appareils seront modifiés en 1933. En 1934, ils seront équipés de la galette d’addition modèle 33.
En 1934, la fabrication des masques ARS est arrêtée. Seulement, l’état des études et des essais ne permet pas encore d’exercer un chois définitif entre les différents prototypes de masques à l’étude. On décide donc de produire comme appareil standard un prototype adopté en 1931 : l’appareil normal de protection modèle 1931 ou ANP 31. La réalisation industrielle est confiée à plusieurs fabricants privés, mais les premières commandes sont bien timides : 10 000 masques en 1934. En contrepartie, les fabricants chargés de sa production vont pouvoir mettre le masque sur le marché des appareils de la défense passive, alors en pleine expansion. Pour utiliser les stock existant d’appareils ARS non transformés en appareil tyransitoire, on décide de les modifier en ANP 31. Pour réaliser cette opération, il suffit de démonter l’embase du masque ARS et de changer la cuvette avant de celle-ci (l’embase comporte deux cuvettes : une avant et une arrière) par un nouvelle, dépourvue de soupape d’inspiration et assurant l’inclinaison verticale du tuyau la reliant à la cartouche. Cette dernière est modifiée par ajout de la galette modèle 33. En 1934, il existe ainsi 3 565 000 masques transformés (ANP 31 et appareils transitoires confondus). La commande d’ANP du commerce sera portée, par la suite, à 1 500 000 exemplaires.
En 1935, on adopte enfin un des prototypes proposé depuis 1928 : le masque C35F. Il s’agit d’un masque en caoutchouc moulé, avec un système de fixation particulier, qui sera repris sur le masque C38. Le C35 est uniquement destiné aux appareils Fenzy modèle 36, que nous verrons par la suite.
Cette même année, on espère mener à bien, le plus rapidement possible, le projet du nouvel appareil particulièrement performant qui doit équiper les troupes combattantes. Ainsi, l’année suivante, en 1936, on adopte le masque semi-rigide en tissu,qui prend l’appellation de masque T 36 (T comme tissu). Il s’agit d’un appareil remarquablement évolué, dont la particularité réside en une pièce semi-rigide en cuir, constituant l’avant du masque, qui limite les phénomènes d’élasticité du masque pendant la respiration et donc permet de diminuer le volume mort à l’intérieur de celui-ci.
De son embase, de forme elliptique, débouche deux conduits qui permettent à l’air inspiré, en sortant par deux larges lèvres, de balayer les viseurs du masque pour éviter la formation de buée sur ceux-ci. Reste alors à mettre au point la réalisation industrielle, pour la production de plusieurs millions de masques T 36, qui devaient, à terme, remplacer l’ANP 31 dans les formations combattantes.
A ce stade de développement du programme de modernisation de la défense contre les gaz de combat, force est de constater que le masque momentané n’est pas au point. En réalité, il ne donnait aux essais que des déboires et il faudra annuler les commandes déjà passées. On envisage alors, pour éviter de doter les formations du territoire d’un appareil plus coûteux, de les équiper de masques T 31 munis de cartouches d’ARS transformées par la galette d’addition modèle 33.
Enfin, en 1938, est adopté le masque C 38 (masque en caoutchouc modèle 38). Il comporte le même système d’attache amovible que le masque C 35F, mais le masque est partiellement simplifié. Une cartouche particulière équipe ces masques ; extérieurement elle est pratiquement identique au bidon modèle 32, mais sa base inférieure comporte, à la place d’une grille obturée par un bouchon métallique fileté, un large orifice fermé par un bouchon en caoutchouc. Elle se différencie du bidon 32 par son filtre à arsine, plus performant, qui est conçu comme celui de la cartouche 35 M (à noter que ces cartouches seront distribuées aux armées pour équiper d’autres masques que le C 38. ; 180 000 de celles-ci sont en service en mai 1940). Les premières commandes du C 38 sont honorées en 1939, mais un lot de 10 000 de ceux-ci est refusé, pour des raisons que nous ignorons. Les masques restent donc en réserve (environ 200 000 exemplaires) le temps de vérifier leur fabrication. Nous verrons par la suite comment ils seront distribués.
En 1934, la fabrication des masques ARS est arrêtée alors qu’aucune solution de remplacement n’existe (à défaut de crédits suffisant). On décide simplement de modifier les appareils ARS selon un prototype de 1931. Le nouveau masque s’appel Appareil Normal de Protection modèle 1931. Pour passer d’un ARS à un ANP 31, il suffit de démonter son embase et de remplacer sa cuvette avant par une nouvelle, dépourvue de soupape d’inspiration et assurant l’inclinaison verticale du tuyau la reliant à la cartouche.
Le masque est également proposé au marché des appareils de défense passive, alors en pleine expansion. En 1934, il existe 3 565 000 masques transformés et seulement 10 000 ANP 31 sont commandés (on entend ici par ANP 31 les masques issus d’une fabrication nouvelle et non pas ceux issus d’une simple modification de leur embase). Par la suite 1 500 000 exemplaires de nouveaux ANP 31 seront commandés.
La Marine souhaitait disposer d’un appareil spécifique répondant à des caractéristiques particulières. Le masque devait offrir un confort respiratoire exceptionnel et donc présenter un maximum de rigidité. La cartouche filtrante ne pouvait être portée en bandoulière, car les coursives des bâtiments offrent juste suffisamment d’espace pour permettre à deux hommes de se croiser. Enfin, il fallait que la prise d’air de la cartouche soit située sur la tête, pour permettre à un homme tombé à la mer de conserver son masque.
En 1935 est adopté un des prototypes proposé depuis 1928 : le masque C35F en caoutchouc moulé, avec un système de fixation particulier qui serra repris sur le C38. Ce masque, le C35F, est uniquement destiné aux appareils Fenzy modèle 36.
Il est adopté en 1936 sous l’appellation de masque semi-rigide T36 (T comme Tissu). Remarquablement évolué, il possède une pièce semi-rigide en cuir à l’avant, qui limite les phénomènes d’élasticité pendant la respiration et permet de diminuer le volume mort à l’intérieur. De son embase elliptique débouche deux conduits qui permettent à l’air inspiré, sortant par deux larges lèvres, de balayer les viseurs du masque pour éviter la formation de buée. Le T36 était destiné à remplacer le T31 dans les formations combattantes.
Les arsines sont des dérivés de l’arsenic, utilisées exclusivement par les Allemands lors de la Première Guerre mondiale, à partir de juillet 1917. Celles qui posent le plus de problèmes aux chimistes chargés de mettre au point le filtre des masques, sont dites aliphatiques. Elles possèdent, entre autre, des propriétés irritantes extrêmement violentes, mais surtout, lorsqu’elles sont dispersés sous forme de très petites particules solides formant un nuage de poussière, elles deviennent susceptibles de traverser le filtre du masque. Les effets qu’elles provoquent alors (très vive sensation de brûlures au niveau des voies aériennes supérieures, écoulement nasal et lacrymal, toux, nausées, vomissements...) empêchent le combattant de garder son masque et l’expose à l’action d’autres toxiques aux effets mortels. Pour arrêter ces très fines particules de poussières, on utilisa en premier lieu le coton hydrophile. Puis on expérimenta un système de bonnettes (sorte de sac en toile que l’on fixe sous la cartouche du masque) qui sera fabriqué dès juillet 1918. Ces deux différentes techniques ne donnèrent pas satisfaction. Après guerre, on réussit à réaliser un papier particulier, dénommé papier alpha, aux pores suffisamment fins pour arrêter les arsines. La production du papier alpha est opérationnelle au cours de 1927 ; il reste à créer le dispositif qui mettra en œuvre ce nouveau filtre. Trois moyens différents vont être utilisés :
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Elle est extérieurement identique au bidon modèle 32, mais sa base comporte, à la place d’une grille obturée par un bouchon métallique fileté, un large orifice fermé par un bouchon en caoutchouc. Son filtre à arsine est conçu comme celui de la cartouche 35M. 180 000 de ces cartouches sont en service en mai 1940.
Le monoxyde de carbone est un gaz toxique, mais ses propriétés ne permettent pas d’envisager son usage comme gaz de combat. Par contre, il se dégage en quantités importantes lors de la combustion de la poudre des munitions, ce qui pose problème dans tous les abris non ventilés où une arme est en action. L’étude de sa neutralisation avait débuté en 1916. Il ne s’agissait alors que de protéger les sapeurs-mineurs qui opéraient dans les galeries souterraines, les mitrailleurs sous abris, ainsi que le personnel embarqué dans les chars de combat. Au moment de l’armistice, après de longs délais de mise au point, un appareil fut enfin distribué : l’appareil L.D.. Sa description ne rentre pas dans le cadre de cette étude, mais un deuxième modèle sera adopté peu après et appelé Tissot pour chars de combat. Le masque de ces appareils est très proche du masque Tissot, mais adapté aux conditions difficiles qui règnent dans l’habitacle des chars.
Ces études sur la neutralisation du monoxyde de carbone ne reprendront qu’en 1929, et aboutiront à la fabrication d’une nouvelle substance neutralisante : l’hopcalite, puis à l’adoption en 1933, du bidon polyvalent CO modèle 33. Il s’agit d’un bidon modèle 32 dont on a augmenté le volume interne pour y placer une couche de substance neutralisant le monoxyde de carbone.
Ce bidon allait présenter un sérieux inconvénient lorsqu’on souhaita en doter les troupes de forteresse, et particulièrement les servants des armes sous casemate et sous tourelle des ouvrages de la Ligne Maginot. L’utilisation du masque pouvait être assez fréquente au cours des conditions de combat, et la forte humidité qui y régnait dégradait rapidement le contenu de la cartouche à l’hopcalite. On souhaita alors mettre au point un dispositif de complément, qui pourrait, à volonté, s’intercaler entre le masque et le bidon classique. Il fut réalisé et adopté en 1939, sous le nom de cartouche de complément CO modèle 39. Cette cartouche est obtenue en remplaçant par de l’hopcalite le chargement normal de la cartouche 35 M. Elle présente donc la même forme extérieure et pouvait être montée directement sur le tuyau de l’ANP 31. Elle possède également, sur sa base inférieure, un raccord femelle sur lequel on peut visser une cartouche 35 M. Ces cartouches portent, comme marque distinctive, une couronne verte au-dessous de la bague de sertissage. La fabrication de ces cartouches débuta à la mobilisation ; 55 000 sont déjà distribuées aux armées fin décembre 1939, et 195 000 le seront d’ici juin 1940.
La présence de monoxyde de carbone, gaz incolore et inodore, pouvait être révélée au moyen de détecteur L.D. modèle 1916 (des pharmaciens Desgrez et Labat) ou du détecteur C.O. modèle 36. Le principe de fonctionnement de ce dernier est fort simple : on fait passer l’air suspect au travers d’un tube réactif, par le biais d’une pompe à main. La tige du piston de la pompe est creuse et renferme un charbon spécial destiné à retenir les gaz autres que le monoxyde de carbone. Initialement blanc, le granulé contenu dans le tube réactif se colore en bleu-vert, en présence de monoxyde. L’appareil est logé dans un étui, le tout étant transporté dans un coffret en bois. Il devait équiper tous les postes de tir sous tourelle.
Cartouche additionnelle CO 1939 pour la protection contre le monoxyde de carbone.
Leur principe est d’isoler l’utilisateur de l’appareil de l’air ambiant ; l’air qu’il respire est toujours le même, un procédé permettant de régénérer l’oxygène consommé et un autre, d’éliminer le dioxyde de carbone produit. Des appareils de ce type existent depuis 1915 aux armées (appareils Jaubert à oxylithe, appareils Draeger, appareils E.C.M.G. 1916, appareils Fernez-Michelin, appareils Fenzy), mais tous, après guerre, seront jugés comme trop rudimentaires. On souhaitait donc perfectionner ces appareils. Ainsi, plusieurs voies vont être explorées et mèneront à différentes solutions.
Adopté en 1936, après avoir été mis au point par Fenzy, ancien officier d’administration du Matériel Chimique de Guerre, son principe est quelque peu différent des appareils Fenzy de la Première Guerre. L’air est débarrassé du dioxyde de carbone, produit par la respiration, au travers d’une cartouche épuratrice chargée de soude. L’apport d’oxygène est assuré par une bouteille d’O2 comprimé, détendu par un système dit à basse pression. Nous ne rentrerons pas plus en détails dans l’explication du fonctionnement de l’appareil, au demeurant relativement complexe. La durée d’utilisation peut atteindre trois heures et trente minutes au repos, mais ne dépasse pas une heure lorsqu’on effectue un travail fatigant. Un manomètre permet de vérifier la pression restante dans la bouteille. Une sonnerie d’avertissement retentit toute les quinzes minutes et rappelle au porteur qu’il doit vérifier cette pression. L’appareil Fenzy modèle 36 peut être équipé soit avec un masque C 35F, soit avec un masque T 36F.
Le corps du masque C 35F est entièrement en caoutchouc. A sa partie inférieure se trouvent fixés deux raccords métalliques, dans lesquels viennent se visser le tuyau d’inspiration et le tuyau d’expiration. A l’intérieur du masque, deux conduits en caoutchouc aboutissent à des sortes de fourches métallique qui dirigent l’air inspiré vers les viseurs. Ceux-ci sont montés dans des œillères métalliques, serties sur le corps du masque. Le système d’attache du masque, appelé casque, est relativement complexe. L’ensemble de ses brides, de longueur variable, est interchangeable et existe en 4 tailles différentes (A,B,C,D), indiqué en relief sur la bride. Le masque est disponible en trois tailles différentes (I,II et III).
La masque T 36F n’est autre que le masque T 36 dans lequel la soupape d’expiration a été supprimée et remplacée par un raccord fileté.
L’appareil Fenzy modèle 36 était particulièrement performant et fiable, mais son usage devait être réservé à un personnel entraîné à son maniement et à son entretient. Il était plus particulièrement destiné à être utilisé dans les conditions de combat des ouvrages fortifiés, particulièrement en cas de coupure de la ventilation et lorsque la teneur en monoxyde de carbone dépassait un taux de 2%, taux limite au-delà duquel les cartouches C 39 étaient inefficaces. Malheureusement, son encombrement interdisait son usage dans les tourelles d’artillerie exiguës des ouvrages, si bien qu’un modèle plus petit allait rapidement être étudié.
78 000 exemplaires de Fenzy 36 seront livrés aux armées jusqu’en juin 1940.
Il était donc nécessaire de mettre au point un appareil au fonctionnement plus simple, pouvant être utilisé par n’importe quelle personne n’ayant pas reçue de formation particulière. En 1939 est donc adopté l’appareil Mandet-Commeinhes, appareil isolant dit à circuit ouvert. La réserve d’air est assurée par deux bouteilles d’air comprimé gonflées à 200 bars. Pendant le fonctionnement de l’appareil, cet air est délivré au porteur de l’engin, en étant détendu dans un sac réservoir relié au masque. Pour l’utilisation de l’appareil, il suffit au porteur de brancher sur le tuyau de celui-ci le masque de l’ANP qu’il détient en permanence. L’entretien de l’engin se résume au remplacement des bouteilles vides par des pleines. En outre, un sifflement automatique avertit l’utilisateur que la bouteille est pratiquement vide. Seulement quelques milliers d’exemplaires auront le temps d’être livrés aux armées avant la fin de la campagne, en juin 1940. Il semble cependant que sa production a été poursuivie au-delà de cette période.
Pour les servants des tourelles d’artillerie des ouvrages des Régions Fortifiées, il fut nécessaire de mettre au point un appareil d’encombrement réduit, qui permette de passer dans la trappe d’accès des tourelles. En décembre 1939, on décide de mettre a l’essai un appareil dénommé Granger léger, dans les régions fortifiées de Metz et de Lauter. 10 exemplaires sont donc distribués, conférant un protection au repos, voisine de deux heures. L’appareil donna certainement satisfaction car, en mars 1940, une version dont la taille est encore réduite est adoptée et dénommée appareil Granger petit modèle. Seulement 1000 exemplaires auront le temps d’être distribués avant l’Armistice de juin 1940.
L’introduction de l’Ypérite par les Allemands, en juillet 1917, posa de nombreux problèmes de protection aux armées alliées. Ce liquide huileux présente en effet la particularité de provoquer, par simple contact avec la peau, des vésications sévères (sortes de brûlures provoquant des cloques). Le produit a peu d’action par ses vapeurs, mais peut atteindre toutes les surfaces du corps non protégées (y compris les poumons et le tube digestif) en étant véhiculé par de fines poussières. En outre, sa persistance sur le terrain peut atteindre jusqu'à plusieurs semaines. L’apparition de ce nouveau toxique, pendant la Première Guerre, marquait un pas dans l’escalade à la guerre chimique : les combattants, munis de leur masque de protection, restaient tout de même vulnérables à l’action de l’ypérite. Dans les mois qui suivirent son introduction sur le champ de bataille, le nombre très élevé des intoxiqués, dans les rangs des alliés, faisait littéralement fondre les effectifs. D’après certains auteurs, les pertes des alliés par l’ypérite seraient même huit fois plus importantes que toutes les autres pertes provoquées par les autres toxiques. Mais, contre toute attente, la plupart des intoxiqués guérirent lentement et la proportion de morts parmi ceux-ci était relativement faible.
Pour lutter contre les effets de l’ypérite, il fut nécessaire de créer des équipes dites de désinfection qui allaient neutraliser le produit, répandu sur les positions de combat, avec du chlorure de chaux. Pour protéger le personnel de ces équipes, on leur distribua des bourgerons de toile huilé, puis on réalisa une combinaison spéciale, toujours en tissu huilé : la combinaison anti-ypérite Tambuté. Des années 1920 aux années 1940, l’ypérite et ses dérivés furent particulièrement étudiés et la protection contre les produits vésicants resta un sujet de préoccupation constant. De nombreuses études furent menées sur les tenues de protection, si bien qu’en 1940, il existe plusieurs collections d’effets.
Ces effets sont destinés à protéger les combattants de toutes armes contre les liquides vésicants dispersés en pluie par avions. La collection se compose d’une pèlerine en papier imperméabilisé et de six écrans protecteurs pour les yeux. Une paire de jambières en tissu imperméabilisé était également à l’étude mais n’a, semble-t-il, jamais été distribuée. Les lunettes protectrices ne seront livrées qu’à partir du moi de mai 1940, au nombre de 425 000 paires. Le 31 mai 1940, il existait 2 195 000 pèlerines de papier.
Ils sont plus particulièrement destinés aux équipes de désinfection (au sein des Sections d’Hygiène de Lavage et de Désinfection) et à certains spécialistes : éclaireurs Z, médecins, pharmaciens, chimistes et officiers Z, servants de mitrailleuses et de pièces d’artillerie.
La collection comporte , un bourgeron avec capuchon, une salopette, une paire de gants ou de moufles, une paire de bottes. Ces effets s’enfilent par dessus la tenue. Selon les circonstances (principalement en fonction de la température extérieure), la protection peut être limitée au bas du corps (salopettes, bottes, gants) et au besoin, même réduite à celle des mains et des pieds. Ces effets assuraient pendant de très nombreuses heures une protection contre les produits vésicants à l’état de vapeurs, mais seulement pendant quelques heures contre les gouttelettes liquides de ces mêmes substances.
Elle est réalisée en tissu imperméabilisé à l’huile de lin, avec coutures enduites d’un verni spécial. Le bourgeron se ferme devant par deux paires de liens complétés par une troisième au niveau du cou et par un ruban-ceinture au niveau de la taille. Comme la salopette, le bourgeron est confectionné en trois tailles. Les bottes se composent d’une semelle en bois et d’une tige en tissu huilé. Cette tige est munie à sa partie supérieure de deux cordes (engagées chacune dans un œillet) qui viennent se nouer sur le ceinturon de l’homme. Les bottes sont confectionnées en quatre pointures. Pendant la campagne de 39-40, ce modèle de bottes sera abandonné et remplacé par les bottes L.D (des pharmaciens Labat et Desgrez), bien plus solides. Elles comportent une semelle en caoutchouc, une tige en tissu huilé dont la partie supérieure est serrée entre le mollet et le genou par une bride en caoutchouc.
Elle est entièrement réalisée en tissu caoutchouté, qui assure une meilleure protection contre les vésicants liquides. La coupe des effets est différente et mieux étudiée pour s’enfiler plus aisément. Contrairement au type H 27, la salopette et le bourgeron sont réalisés en une seule taille, et le haut de la tenue ne comporte pas d’ouverture sur le devant. Une paire de chaussettes vient recouvrir le pied, puisque contrairement aux bottes H 27 et L.D., il faut se déchausser pour enfiler les bottes en caoutchouc. L’ensemble des éléments de cette collection peut avoir indifféremment une teinte beige, grise ou noire.
La coupe des effets a encore une fois changé. Le bourgeron est ouvert sur le devant et se ferme par superposition des rabats. Alors que le casque était porté en dessous du capuchon sur le type C36, il est porté par dessus avec la tenue C 39. La salopette ne diffère de la C 36 que par l’ajustage des brettelles et le serrage du bas des jambes. Gants, chaussettes et bottes sont les mêmes que pour le vêtement C 36. Il existe également un type H 39, de même coupe mais confectionné en tissu huilé.
Force est de constater que la campagne de 39-40 est habituellement décrite sans que l’on mentionne le moindre événement relatif à la guerre des gaz. La plupart des auteurs semblent admettre volontiers que cette période douloureuse de notre histoire est exempte de toute anecdote relative à l’arme chimique.
Pourtant, à peine la guerre était-elle déclarée, que déjà, plusieurs renseignements concordants laissaient supposer que les Allemands se préparaient à l’utilisation de gaz de combat. Vers la mi-octobre, il semble que plusieurs coup de mains réalisés du côté des lignes allemandes, aient permis de découvrir des cylindres de gaz, emplis d’un mélange à odeur d’ail, à base d’hydrogène arsénié. Après confirmation de ces informations, les Services Chimiques français allaient vivre une véritable crise. Et pour cause : l’hydrogène arsénié est, non seulement un toxique aux effets redoutables, mais surtout, il est très mal retenu par les cartouches en usage en 1939 et par les boîtes filtrantes à grand débit des ouvrages de la ligne Maginot. Son instabilité (il est très inflammable) l’avait fait écarter des produits agressifs potentiellement utilisables depuis la Première Guerre, et depuis, aucun moyen de protection particulier n’avait donc été mis au point. L’armée entière devenait donc vulnérable à une attaque chimique par ce nouveau gaz, et particulièrement les ouvrages de la ligne Maginot, dans lesquels l’inefficacité de la filtration obligeait à l’arrêt complet de toute ventilation et de production d’énergie par la centrale diesel-électrique. Toute confusion avec une alerte normale (gaz de combat retenu par les boîtes filtrantes) serait immédiatement mortelle pour tout l’équipage…Une alerte spéciale est donc immédiatement créée avec une codification très particulière pour éviter toute confusion. Elle met en sommeil l’ouvrage entier : arrêt de la ventilation, interruption du tir, fermeture total de l’ouvrage ; la vie est ralentie pour limiter la consommation d’air. Si l’alimentation extérieure de l’ouvrage venait à être coupée, l’éclairage électrique le serait également, et l’éclairage à la bougie devrait être très limité en raison de la forte consommation d’oxygène.
Une solution pour neutraliser l’hydrogène arsénié est aussitôt recherchée et rapidement trouvée. L’urgence de la situation interdisait de mettre en fabrication une nouvelle cartouche de masque, la durée nécessaire étant trop importante. La réaction de neutralisation chimique mise au point, se réaliserait au travers d’une bonnette de tissu fixée sous la cartouche du masque. Les inspecteurs Z de chaque armée reçurent pour mission, d’organiser la fabrication de ce premier modèle de bonnette de fortune, imprégnées de sulfate de cuivre. Le 21 octobre 1939, l’imprégnation est améliorée en ajoutant du chlorure mercurique et en remplissant la bonnette de copeaux de bois. Un deuxième modèle de bonnette de fortune est donc à nouveau fabriqué par chacune des armées, avec un code de couleur permettant de différencier les deux types d’imprégnation. Les boîtes filtrantes des ouvrages finiront par être dotées également d’un produit neutralisant. Un détecteur spécial, confectionné à l’aide de bidons d’essence remplis d’eau se vidant goutte à goutte, et aspirant ainsi l’air extérieur au travers d’un papier réactif spécial, sera mis en place devant chacune des entrées de chaque ouvrage.
Pour remplacer les bonnettes de fortune, qui constituaient une solution d’attente, on fit réaliser un autre modèle de bonnette, baptisé modèle 1939. Les premiers exemplaires seront mis à la disposition de G.Q.G. le 15 février 1940, au nombre de 270 000, directement envoyés aux armée qui en assureront le montage sur les cartouches 35M. Cette opération sera ensuite faite dans les usines de l’intérieur. Elles sont mises en service à partir de 15 avril 1940. Près de 2 millions 300 000 exemplaires seront distribués jusqu’à la fin de la campagne. Enfin, une nouvelle cartouche à charbon spécial protégeant contre l’hydrogène arsénié, appelée cartouche 35Mb, sort des fabriques au début du mois de mai. Elle porte comme marque distinctive un trait diamétral blanc. 40 000 exemplaires arrivent aux armées fin mai 1940.
A peine sortis du fabriquant, nous avons vu que les masques C38 étaient restés en réserve, certainement en raison de la livraison d’un lot défectueux. Mais il semble également que le manque de rigidité de l’enveloppe en caoutchouc du masque, entraînait une forte déformation de celle-ci lors d’une inspiration soutenue et nuisait à l’efficacité des cycles respiratoires. Les études sur le masque en caoutchouc spécial reprenaient aussitôt, et la réalisation industrielle était à nouveau lancé à la fin de 1939. La distribution de ce nouveau masque était particulièrement attendu. Il devait équiper le personnel appelé à utiliser des instruments d’optique (observateurs, pointeurs…) qui était gêné par la rigidité de l’enveloppe du masque T 31 ; celle-ci l’empêchait de coller le visage devant leurs instruments. En attendant, une partie des masques C38 est distribuée aux populations mobilisées du territoire et dans quelques formations de D.C.A.. Le 23 novembre 1939, le général commandant les Forces Antiaériennes demande la mise à disposition, aux Armées, du masque C38. Ce sera chose faite dans les premiers mois de 1940. Le nombre de masque distribués reste cependant inconnu, ceux-ci entrant dès lors dans la comptabilité générale des A.N.P.. A titre d’exemple, la 2e D.I.C. en reçoit 800 en mai 1940. Nous ignorons si la série des masques C38 fabriquée à partir de la fin 1939 était différente de celle de 1938. Au début du mois de mai 1940, plus d’un million de masques C38 devaient être livrés dans les mois suivant. Enfin, signalons que l’on trouve assez fréquemment un appareil C38 destiné au marché des populations civiles. Est-ce une reconversion des appareils commandés par l’armée en mai 1940 (un million d’exemplaires) et certainement jamais livrés ou est-ce un appareil qui, comme le T 31, était à la fois destiné à un marché militaire et un marché civil ?
Les musettes en dotation aux armées avaient la fâcheuse tendance à ne pas protéger le masque et sa cartouche de l’humidité et de la pluie. En 1937, un nouveau sac de transport, qui évitait ces désagréments, est adopté. La coupe de ce sac est pratiquement identique au précédent, mais ses coutures du fond sont recouvertes d’une garniture de cuir assurant une meilleure rigidité. La pochette du viseur de rechange est également consolidée par une petite plaque en cuir. Enfin, le devant du sac est d’une forme plus arrondie, ce qui permet une meilleure fermeture du sac. Le coulant de fermeture et sa plaque, sont également renforcés. Nous n’avons aucunes idée du nombre de musette modèle 37 mis en fabrication. En novembre 1939, une petite série de ces musettes est expérimentée, à la 3e armée, concurremment à des modèles standard. L’opération eut un certain succès, mais au mois d’avril 1940, on met à nouveau à l’essai un sac imperméable pour masque, existant en version tissu imprégné et en version caoutchouc. Le masque est placé dans le sac imperméable et l’ensemble trouve sa place dans le compartiment de la musette. La fermeture du sac est assurée par une coulisse que l’on serre sans la nouer. 7500 de chacune des versions du sac imperméable sont envoyées aux armées à titre d’essai, à la fin du mois d’avril 1940.
On s’interroge fréquemment sur les petits tubes à onguent, placés dans les pochettes latérales du sac de transport pour l’ANP. En dépit de toutes recherches, nous les trouvons, aujourd’hui, désespérément vides, alors que la dotation de l’époque prévoit qu’elles renferment quatre sachets étanches en cellophane, contenant chacun du chlorure de chaux (destiné à neutraliser les projections de produits vésicants sur la peau). Mais voilà, c’est seulement en février 1940 que l’on songea à les distribuer aux troupes, sans se presser, puisque le 31 mai 1940, il est prévu de livrer 3 080 000 sachets de chlorure de chaux, dans le courant du mois suivant. Vous l’aurez compris, la majorité d’entre eux n’arriveront jamais jusque dans les pochettes latérales des musettes avant la fin de la campagne.
En plus des viseurs en cellophane, armés et non armés, il existe également un viseur à double paroi modèle 1939, dit DP 39. Il est constitué de deux disques translucides, sertis dans une monture métallique, de telle façon que les disques se trouvent séparés par un épais matelas d’air, empêchant la formation de buée sur leur paroi. Pourtant, il est rarissime de trouver des masques sur lesquels ces viseurs aient été montés pendant la campagne de 39-40. Plusieurs documents font pourtant état d’un distribution parcimonieuse, mais une note, datée du 28 mars 1940, interdit le montage de ces viseurs sur les appareils de protection jusqu'à ce qu’une instruction ne soit donnée pour leur emploi. On peut supposer qu’elle n’a jamais été envoyée.
En octobre 1939, sont distribuées des pèlerines de protection en papier, protégeant de l’épandage de produits vésicants par avion. On s’aperçut très vite, avec les premiers exemplaires distribués à titre d’essai, que celles-ci, conservées par les hommes dans leur musette, se dégradaient rapidement. Pour éviter une consommation trop importante des pèlerines, celles-ci vont être, dès octobre 1939, mises en réserve au parc d’artillerie divisionnaire, et distribuées uniquement sur ordre du commandement. On peut supposer qu’elles ne quittèrent qu’exceptionnellement leur magasin de réserve.
Depuis la fin de la Première Guerre mondiale, les substances toxiques potentiellement utilisables lors d’une guerre chimique ont évoluées. Des années 20 aux années 40, la France et d’autres puissances, ont menées de nombreuses recherches sur les substances agressives. La France dispose, à la veille de la Deuxième Guerre, d’un arsenal chimique considérable lui permettant de riposter immédiatement, mais surtout, elle possède la capacité industrielle de réaliser la synthèse immédiate de nombreuses substances, dont plusieurs inédites. Parmi toutes ces substances étudiées depuis la fin des années 20, les recherches les plus intéressantes menées par les services chimiques français, concernaient un corps n’appartenant à aucune classe connue alors, un éther carbamique de la choline, qui ouvrait la voie aux recherches vers les substances neurotoxiques. Les services chimiques français ne se doutaient pourtant pas que les études menées de l’autre côté du Rhin étaient également avancées dans le domaine des substances neurotoxiques.
Un programme industriel ambitieux est lancé à partir de 1935 et permet la mise sur pied d'un outil industriel important et performant destiné au chargement de munitions chimiques. Le programme devient effectif dès 1938 et des stocks chimiques sont progressivement réalisés.
En 1940, après ‘’l’affaire’’ de l’hydrogène arsénié, on est persuadé que l’emploi de substances toxiques dans le conflit, doit se réaliser tôt ou tard. Aussi, pour ne pas être pris au dépourvu au cas où ce dessein se réaliserait, on accélère la fabrication, en février 1940, de stocks de substances et d’engins agressif. De nombreux corps sont chargés en obus : l’Ypérite au souffre (551 135 coups disponibles en mai 1940, de différents calibre), l’Adamsite, une arsine irritante et sternutatoire (236 000 coups commandés en avril 40), mais aussi de l'Ypérite épaissie, de l'Ypérite à l'azote (trichloroéthylamine), du phosgène, de la Lewysite. Il existait également près de 10 000 bombes d’aviation de 200 kg, chargées en phosgène. Trois millions de grenades chargées en ypérite, destinées à être larguées depuis un avion, étaient aussi en cours de réalisation. En mars 1940, on compte encore 5000 engin Z5, alors que 10 000 étaient en commande. Le seul organe chargé de l’émission de substances toxiques, le 4e Groupe Autonome d’Artillerie, fut progressivement doté de l’équipement nécessaire à la réalisation de sa mission : bouteille d’ypérite, projectors, engins Z5. Avec les événement du mois de mai 1940, le groupe spécial d’artillerie, situé près de Laon, se vit contraint de se replier en toute hâte vers l’arrière. La quasi-totalité du matériel fut évacué en lieu sûr, du 18 au 21 mai, parfois sous le feu de l’ennemi. Au début du mois de juin, l’encerclement des armées du Nord-Est se confirmait, prises au piège par la percée fulgurante des unités blindées ennemies. Pour lutter contre la pression, le groupe d’armée pris dans la nasse des filets allemands, eut l’idée de briser l’élan de l’ennemi par l’utilisation de substances toxiques, notamment l’ypérite. Le 3 juin 1940, les préparatifs de l’opération étaient lancés. Heureusement, le temps allait manquer pour la réalisation de cette funeste entreprise, la campagne de juin 1940 se terminant dans les conditions dramatiques que l’on sait.
Devant l'importance croissante du péril "aéro-chimique", de nombreuses associations de défense des populations civiles voient le jour et se regroupent en 1934 sous le nom "d' Union nationale pour la défense aérienne et pour la protection des populations civiles". Sous son impulsion et face à la prise de conscience politique et publique des enjeux de protection civile, la défense passive française fait l'objet d'un cadre juridique à partir du 8 avril 1935.
Celui-ci rend obligatoire l'organisation de la défense passive sur l'ensemble du territoire français et en dessine les grandes lignes : création d'une commission supérieure de défense passive chargée d'assister le ministre de l'intérieur, missions des représentants de l'Etat dans les départements et communes, imputations des dépenses sur le budget de l'Etat, aménagement d'abris publics et de postes de secours, création de matériel de détection des gaz. De nombreux décrets d'application de la loi du 8 avril 1935 sont pris jusqu'en 1938. Ils réglementent la fabrication et la vente des appareils de protection contre les périls aérotoxiques, définissent les statuts du personnel de la défense passive et la composition des commissions de défense passive, étendent les dispositions de la loi de 1935 aux colonies et aux pays sous mandat. De nouvelles dispositions sont prises, le 13 juillet 1938, avec la loi de défense nationale sur l'organisation de la nation en temps de guerre afin d'assurer la sécurité de la population française en cas de conflit armé. Plus importante que la précédente, cette loi touche à de nombreux domaines. Tout d'abord, elle définit les conditions d'une éventuelle mobilisation des forces vives de la nation française. Elle prévoit le fonctionnement des pouvoirs publics en temps de guerre et précise la répartition des pouvoirs entre l'exécutif et le Parlement. Enfin, des mesures sont prises pour préparer l'organisation de l'économie française en temps de guerre. Le contexte international accélère le rythme de la préparation de la France à la guerre. Ainsi, la loi du 13 juillet 1938 est suivie de nombreux décrets d'application. En 1939, plus de 35 textes relatifs à la défense passive contre les attaques aériennes paraissent au Journal Officiel.
Un cahier des charges est proposé et adopté pour agréer les appareils de protection civils (masques à gaz) et leurs cartouches.
Des dizaines de fabricants proposent alors une multitude de masques différents, qui doivent permettre d'équiper la population civile. Sous l'impulsion de nombreuses associations locales, régionales ou nationales, des masques sont fournis, parfois à titre gracieux, à ces populations. Tous les personnels de la défense passive sont également équipés, comme celui des différentes compagnies ferroviaires (qui deviendront las SNCF en 1938), des pompiers, du service de santé, des chauffeurs de taxi, des boulangers et d'autres, par l'achat auprès de fabricants privés et agrées de modèles variés. Beaucoup s'inspirent de modèles militaires et les modèles de cartouches répondent par ailleurs aux mêmes spécifications que les modèles militaires.
Nous présentons ici une série d'appareils du commerce pour illustrer cette diversité. La majorité des modèles sont dérivés des masques ANP31 ou C38, avec différentes variantes (collection privée Boris Plotnickoff).
Masque défense passive type AG-15
Masque défense passive type AJAX F2.
Masque défense passive type AJAX, enfant.
Masque défense passive type ANP-31, nommé TC38 pour Type Civil modèle 1938.
Masque défense passive type C38 enfant.
Masque défense passive type C38.
Masque défense passive type C38, fabrication Fernez.
Masque défense passive type C38 enfant, fabrication Fernez.
Masque défense passive, fabrication GEP.
Masque défense passive, fabrication GEP
Masque défense passive "Le Gallus".
Masque défense passive, MALF.
Masque défense passive, Mandet.
Masque défense passive, Perron MSP.
Masque défense passive, Salvator.
Masque défense passive, SECMP (Société d'Etude et de Construction de Matériel de Protection).
Masque défense passive, SECMP (Société d'Etude et de Construction de Matériel de Protection) type T36.
Masque défense passive, SECMP (Société d'Etude et de Construction de Matériel de Protection), modèle RSC.
Masque défense passive, SECURIT.
Masque défense passive, SECURIT, variante.
Masque défense passive, Luchaire avec viseurs en verre.
Masque défense passive, Luchaire avec viseurs en verre, variante.
Masque défense passive, modèle indéterminé.
Masque défense passive, CANIC.
Masque défense passive, VERNON. Il s'agit d'un modèle Tchèque (FM-3) de l'entreprise FATRA, fabriqué sous licence en France par la manufacture de Saint-Marcel à Vernon.
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