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Les lunettes de protection.
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Les premières paires de lunettes de protection furent commandées avant l’attaque du 22 avril 1915. Elles
étaient destinées à protéger
les hommes utilisant les grenades suffocantes, dont l’usage s’intensifiait
depuis le début de l’année 1915. Ainsi, 90 000 exemplaires furent mis à la
disposition des armées le 20 avril 1915. Il paraît aujourd’hui difficile
de déterminer précisément de quel type il s’agissait, et si elles se
montraient efficaces. Un des modèles semble être en caoutchouc avec des
oculaires en gélatine. Pour assurer une étanchéité convenable, il fallait
serrer suffisamment le lien passant derrière la tête, ce qui provoquait
parfois l’éjection des viseurs hors de la monture.
Est-ce le même type que
celles distribuées par la suite ? Le 9 mai, après l’attaque
d’Ypres, 100 000 exemplaires furent à nouveau commandés, puis le 11 mai, le
nombre passait à 400 000 dont 50 000 à garniture en caoutchouc. Pour assurer
la fabrication de tous ces exemplaires en un temps record, la STG sous-traita
avec de très nombreux fabricants. Certaines armées n'hésitèrent d’ailleurs pas
à passer commande auprès de ces mêmes fournisseurs, en faisant des
surenchères pour obtenir les précieuses lunettes le plus rapidement possible
(les maisons Houzelle et Hutchinson semblent avoir été les plus sollicitées).
Dans cette frénésie de récupérer tout ce qui ressemblait à des lunettes de
protection, les stocks de lunettes d’automobilistes vendus dans le commerce
furent épuisés en quelques jours. Malheureusement, elles n'étaient pas du tout
destinées à cet usage et se révélèrent d’aucune efficacité.
A la Commission des gaz asphyxiants, la protection des
yeux ne semblait alors pas indispensable. En effet, les différents membres
supposaient que l’irritation oculaire provoquée par le chlore n’était pas
produite par contact direct et que la protection des voies respiratoires devait
suffire à l’éviter. La question fut donc laissée en suspens jusqu’au
mois de juin 1915, date à laquelle les attaques allemandes par bromure de benzyle
se développèrent. La Commission changea alors de point de vue et c’est dans
l’urgence que les premières décisions furent prises. La production journalière de
lunettes n'était que de 3000 exemplaires ! La STG laissa la place au début
du mois de juillet à l’ECMCG qui lança une production massive et rapide
pour combler le vide existant, en s'adressant à tous les industriels capables
d'une production importante.
Il fit alors réaliser des modèles en toile,
rendues étanche par une solution de gomme arabique, des modèles en tissu
caoutchouté ou en cuir. Les oculaires étaient simplement collés ou cousus sur
le loup ainsi formé. Toutes les substances transparentes furent utilisées ;
certains exemplaires possédaient une lame de verre enchâssée dans un logement
tronconique en tôle (800 000 exemplaires de ces dernières seront produits).
La fixation était assurée, dans le meilleur des cas, par une sangle élastique,
mais quand ce tissu faisait défaut, par un simple lacet à nouer derrière la tête.
A la fin du mois de juillet, 600 000 lunettes auront déjà été expédiées !
Mais leur qualité était très médiocre, et selon différents rapports, elles
ne protégeaient pas suffisamment contre les lacrymogènes. Un léger progrès
fut apporté par la distribution de lunettes confectionnées en caoutchouc
rouge, qui épousait plus facilement le visage, mais la solution fut finalement
trouvée par le professeur Bertrand. Début août, il proposa, comme nous
l’avons déjà vu, un molleton d’étoffe sur lequel était fixée une lame métallique.
Ce procédé permit de transformer rapidement tous les types de lunettes
existants. Le molleton était riciné pour neutraliser les gaz. Le tissu élastique
faisant défaut, la fixation fut réalisée par un cordon, fixé sur tous les
exemplaires fabriqués.

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Lunettes de la "DMCG" du type "bleu" fixées sur un
molleton Bertrand, recouvert d'un tissu bleu. |
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En haut, lunettes de la "DMCG", du type
"brun", fixées sur un molleton Bertrand recouvert de
tissu caoutchouté de la même matière. La fixation est assurée
par une sangle élastique et un double lien.
Sur la même photo, en dessous, loup en tissu étanche doublé de molleton, avec
des oculaires en acétylcellulose enchâssés dans des œillères en tôle,
adopté au début du mois de septembre 1915. Le tissu employé
pour recouvrir le loup est teint en bleu horizon.
Photo du dessous, les mêmes, vue arrière. |
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Lunettes de protection et tampon polyvalent type
P2, sur un sachet de protection S2. |
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Lunettes du type de la "DMCG", type "bleu" fixées sur un
molleton Bertrand, recouvert d'un tissu bleu. La fabrication n'est
pas habituelle ; il s'agit très probablement d'une confection
locale. |
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Puis, le 14 août 1915, des lunettes, dites pneumatiques,
furent adoptées par la Commission et fournies en trois tailles différentes.
Elles étaient constituées par des viseurs en verre, sertis dans des montures en
tôle et garnis à la base d’un large bourrelet de caoutchouc assurant l’étanchéité.
L’écartement entre les deux yeux pouvait se régler par ajustement du fil de
fer. Si le modèle se révèla efficace, son prix de revient et le soin nécessaire
à sa fabrication semblaient freiner sa distribution. De ce fait, il sera
finalement réservé à l’usage des appareils à circuit fermé.
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Lunettes
pneumatiques Meyrowitz, adoptées le 14août 1915 |
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Durant le mois de septembre, les plaques de vision en gélatine,
qui avaient tendance à craqueler, furent remplacées, sur certains modèles,
par des lames de verre. Un loup en tissu étanche doublé de molleton, avec
des oculaires en acétylcellulose enchâssés dans des œillères en tôle, fut adopté au début du mois et rapidement produit. En comparaison avec les
modèles existants, il procurait enfin une étanchéité et une solidité
satisfaisantes.

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Loup en tissu étanche doublé de molleton, avec
des oculaires en acétylcellulose enchâssés dans des œillères en tôle,
adopté au début du mois de septembre 1915. |
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Puis, un loup en caoutchouc, proposé par l’établissement
Meyrowitz, fut adopté à son tour au milieu du mois de septembre. Il était
doublé de molleton et les oculaires étaient enchâssés dans des œillères
saillantes de caoutchouc, permettant de les changer facilement. Les lames
transparentes étaient tout d’abord en acetylcellulose, mais, ayant une fâcheuse
tendance à sortir de leur logement, elles furent très rapidement changées par
des plaques de verre aux bords meulés. La fixation était assurée par deux
lacets ; un élastique fut ajouté par la suite et permettait un bon ajustement du
molleton sur le visage, système qui sera dès lors repris pour l’ensemble
des lunettes produites. Une lame d’acier permettait, comme dans tous les modèles
existants, de modeler les lunettes sur le nez et les joues.
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Etablissement E. Caplain. Atelier des lunettes. Les
lunettes type Meyrowitz reçoivent leurs viseurs, ainsi que l’élastique
et les deux rubans de suspension.
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Loups en caoutchouc, proposé par l’établissement
Meyrowitz, adopté au milieu du mois de septembre 1915.
Ces deux modèles sont de fabrication précoce. Celui du haut
est monté avec des verres en acetyl-cellulose, utilisés dès
septembre 1915 (non enchâssés dans un cerclage métallique, à
ne pas confondre avec les verres en hydrocellulose). Celui du bas,
par des verres simples, en verre. |
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Loup du type Meyrowitz, de confection plus
tardive. Les viseurs sont en cellophane, enchâssés dans une
rondelle fixe-vitre peinte en bleu. |
Ces deux types de lunettes allaient être commandés par
l’ECMCG auprès de nombreux fabricants. Ceux-ci devaient alors fournir des
exemplaires conformes à un cahier des charges, relativement sévère, élaboré
par les soins du professeur Lebeau et de ses collaborateurs. En pratique, cela
voulait dire que les différents modèles devenaient standard et que les réparations
étaient enfin possibles, sans problèmes majeurs. Progressivement, les lunettes
Meyrowitz étaient amenées à remplacer tous les autres modèles. Cependant,
les armées recevront des lunettes à molleton, encore appelées lunettes
ricinées, jusqu’au milieu de l’année 1916, date à laquelle les stocks
furent épuisés. A la fin de l’année 1915, le molleton des lunettes en
caoutchouc cessa d’être riciné pour éviter la dégradation que l’huile,
à la longue, provoquait sur le caoutchouc. Puis, pour éviter les problèmes
d’éjection des viseurs, des rondelles fixe-vitre, munies de griffes sur un
côté, furent distribuées pour être fixées autour des œilletons du masque,
par rabattage de leurs pattes. Ces rondelles apparaîtront au milieu de
l’année 1916.
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Illustration de la diversité des
modèles de lunettes rencontrées, au sein d'un petit groupe
d'hommes. |
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Pour éviter la formation de buée sur les vitres des
lunettes, la Commission proposa de nombreuses substances, dès septembre 1915.
En premier lieu, les vitres d’acetyl-cellulose des lunettes Meyrowitz furent
remplacées par des vitres en verre ordinaire, puis à lames formées de deux
épaisseurs de verre prenant en sandwich une feuille souple et transparente
qui garantit l’étanchéité en cas de bris de la vitre. Un crayon anti-buée,
que l’on appliquait sur la face interne des vitres, fut ensuite distribué
pour limiter la condensation de la vapeur d’eau sur les oculaires.
Pour définir
la substance la plus adaptée, des examens des différentes matières furent
effectués au laboratoire de Lebeau. Ainsi, on adopta une hydrocellulose
fabriquée par la société ''La Cellophane''. Au début de l’année 1916,
on utilisa donc une lame de cellophane placée vers l’intérieur et protégée
par une vitre de verre, placée à l’extérieur. La cellophane absorbait
l’humidité au fur et à mesure de sa formation mais, par contre, devenait
fragile et malléable. Ces nouveaux oculaires semblaient alors donner
satisfaction et on supprima la lame de verre qui n’apportait, semble t’il,
aucun avantage au dispositif, mais surtout qui empêchait la fixation des
rondelles fixe-vitre.
Ces lames de cellophane furent alors enchâssées dans un
cercle métallique dont le bord intérieur, replié sur la vitre, était dentelé.
L’ensemble fut dénommé vitre anti-buée. Elles firent leur apparition au
milieu du mois de mars 1916. Les viseurs en acétyl-cellulose furent enchâssés
à leur tour dans un cercle métallique à bords lisses, pour les différencier
des précédents.
Le 23 mars 1917, on décida d’intercaler une rondelle de
cellophane, entre la lame et le cercle métallique de sertissage, pour éviter
que ce dernier n’endommage la cellophane, selon un procédé proposé par
Banzet. Puis, à la fin de l’année 1917, pour remédier à la fragilité de
la cellophane, on doubla la lame par une épaisseur d’acétyl-cellulose placée
à l’extérieur. Seule, la face interne était alors anti-buée et un G rouge
se lisait en transparence à l’endroit, vu de l’intérieur du masque si le
viseur était placé dans le bon sens. Ces viseurs furent enchâssés dans un
cercle de sertissage à pans coupés.
On chercha également à renforcer la tenue des viseurs,
car dans l’artillerie, le départ des coups de canons produisait un souffle
capable de faire sortir les vitres de leur logement. Le 12 avril 1917, un
industriel du nom de Viénot proposa un modèle de viseur renforcé, qui fut
adopté après différents essais menés par la Commission. La petite quantité
produite donna satisfaction dans les différentes batteries où elles était à
l’essai et le 8 septembre 1917, 200 000 viseurs furent à nouveau mis à
l’essai sur des masques M2. Les viseurs Viénot se généraliseront,
particulièrement dans l’artillerie, avec l’apparition de l’A.R.S. En février
1918, 2 000 000 viseurs de ce type furent à nouveau commandés pour équiper le
nouvel appareil ARS.
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1 - Rondelle
fixe-vitre.
2
- Viseur en acétyl-cellulose type Banzet. Il n’absorbe pas
l’humidité et nécessite l’emploi d’un crayon anti-buée.
Ses bords sont lisses.
3
- Viseur en cellophane. Il absorbe l’humidité et limite donc la
formation de buée. Ses bords sont dentelés.
4
- Viseur en acétyl-cellulose doublé d’une lame de cellophane
anti-buée à l’intérieur. Il possède des pans coupés.
5
- Viseur Viénot renforcé. |
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